16e Sommet des Brics à Kazan

Vladimir Poutine réunit à Kazan, en Russie, les dix membres des Brics+ du 22 au 24 octobre. Outre les projets d’élargissement de l’organisation à la Turquie, les questions des institutions, de la paix et du multilatéralisme seront débattues. Ce sommet pourrait aussi marquer la fin du dollars américain comme seule monnaie de réserve mondiale.

C’est à Kazan, une ville russe située au confluent des rivières Volga et Kazanka dans le centre de la Russie, que se tient du 22 au 24 octobre, le 16ème sommet des Brics , sous présidence de la Russie avec pour slogan “Strengthening Multilateralism for Just Global Development and Security“; Dans son discours d’ouverture, Vladimir Poutine a annoncé les thèmes clés du Sommet, incluant entre autres l’intégration de pays non membres dans le fonctionnement de l’organisation, la volonté de coordonner les politiques étrangères des membres et la promotion de la coopération dans de nombreux domaines, tels que la science ou la médecine.

Comptant quatre membres (Brésil, Chine, Inde et Russie) à sa création en 2009, le bloc des Brics a été rejoint par l’Afrique du Sud en 2010 et s’est élargi cette année à plusieurs autres pays : l’Arabie saoudite, l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran, partenaire de la Russie. La Turquie, membre de l’Otan mais avec parfois des relations tendues avec ses alliés occidentaux, a annoncé début septembre avoir soumis une demande d’adhésion à ce bloc de pays émergents, qui se veut le pendant du G7, et dont le poids économique dépasse désormais celui des Occidentaux. L’Azerbaïdjan et la Malaisie ont également posé leur candidature officielle, et d’autres pays ont exprimé leur intérêt.

Quels participants ?

Les invitations au sommet ont été envoyées à 38 pays. “Trente-deux d’entre eux ont déjà confirmé leur participation, dont 24 seront représentés par leurs dirigeants“, a déclaré à la presse le conseiller diplomatique du Kremlin, Iouri Ouchakov. Au total, vingt-quatre dirigeants étrangers et le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, dont ce sera le premier déplacement en Russie depuis avril 2022, sont attendus à Kazan du 22 au 24 octobre, a annoncé le Kremlin le 10 octobre dernier. Les pays fondateurs (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) accueilleront les cinq nouveaux entrants (Arabie saoudite, Égypte, Émirats arabes unis, Éthiopie, Iran) et ont déjà acté “une pause concernant l’acceptation de membres supplémentaires“, a prévenu le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov. Pour autant, le président turc Erdogan sera là pour réaffirmer son désir de rejoindre le club, alors que son pays est membre de l’OTAN et reste en principe, sur le papier, candidat à l’Union Européenne. Vladimir Poutine rencontrera plusieurs dirigeants mondiaux – notamment le Chinois Xi Jinping, l’Indien Narendra Modi, le Turc Recep Tayyip Erdogan et l’Iranien Massoud Pezechkian.

Tous les pays membres des Brics seront représentés par leurs dirigeants, sauf l’Arabie saoudite, poids lourd énergétique mondial, qui enverra son chef de la diplomatie, a précisé M. Ouchakov.  Parmi les dirigeants attendus à Kazan figurent notamment le président chinois Xi Jinping, proche allié de M. Poutine, le dirigeant iranien Massoud Pezeshkian, le chef de l’Etat turc Recep Tayyip Erdogan, qui a sollicité l’adhésion de son pays au bloc des Brics, ou encore le bélarusse Alexandre Loukachenko, indéfectible soutien de Moscou. La présidente de la Nouvelle banque de développement, la Brésilienne Dilma Rousseff, a également annoncé sa venue. Le président brésilien, Luiz Inácio Lula da Silva, a pour sa part annulé dimanche son déplacement et interviendra en visioconférence, selon la présidence brésilienne.

Une quinzaine de rencontres bilatérales dès mardi

Vladimir Poutine doit entamer mardi un marathon d’une quinzaine de rencontres bilatérales prévues d’ici à jeudi, selon le Kremlin. Il doit rencontrer le Premier ministre indien Narendra Modi. Signe de l’importance du tournant stratégique pris vers l’Asie par Moscou, le maître du Kremlin échangera au premier jour du sommet avec son allié chinois Xi Jinping, également arrivé en Russie selon la chaîne d’État chinoise CCTV. Le chef de l’État russe s’entretiendra mercredi avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, avant d’enchaîner jeudi, d’après le Kremlin, avec un très attendu tête-à-tête avec le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, une première entre les deux hommes depuis avril 2022. Vladimir Poutine s’exprimera lors d’une conférence de presse jeudi en fin de sommet.

Un enjeu majeur pour la guerre en Ukraine

Cette réunion intervient alors que Moscou gagne militairement du terrain en Ukraine et a forgé des alliances étroites avec les plus grands adversaires des États-Unis : la Chine, l’Iran et la Corée du Nord. Elle “vise à montrer que la Russie est non seulement loin d’être isolée, mais qu’elle a des partenaires et des alliés“, assure à l’AFP l’analyste politique Konstantin Kalatchev, basé à Moscou. Pour la Russie, le succès de ce sommet représente un enjeu majeur. Si ses partenaires au sein des Brics mettent la pression pour des négociations de paix avec l’Ukraine, il sera difficile pour le président russe d’y résister. Une telle issue serait en outre inespérée pour les élites de son régime qui voudraient enrayer la spirale de la militarisation du pays et songent à un retour progressif au commerce international avec l’Ouest. Le sommet des Brics de Kazan peut offrir assurément au maitre du Kremlin une sortie par le haut de ce conflit qui dure déjà depuis deux ans et demi. D’autant que l’Ukraine ne pourra pas se permettre de refuser un plan de paix qui serait jugé acceptable par les USA et d’autres.

Les guerres de Gaza et au sud-Liban sur la table

Du fait de la présence du Massoud Pezeshkian, en pleine escalade avec Israël, les participants au sommet devraient discuter aussi des guerres de Gaza et au sud-Liban. Mais sur ces dossiers, la Russie semble vouloir garder des distances, se bornant jusqu’ici à appeler les parties à la retenue.

Une sortie du dollars pour les échanges commerciaux et financiers ?

Pour Vladimir Poutine, cet événement est essentiel à la fois sur le plan symbolique et sur le plan économique. Il permettra à la Russie d’afficher ses liens avec ses alliés mondiaux, malgré les tensions avec l’Occident, tout en négociant des accords visant à soutenir son économie et son effort de guerre. Ce 16e sommet des bricks pourrait aussi confirmer le droit des membres de la coalition à “dédollariser“  les échanges commerciaux et financiers entre eux. Il devrait être un pas de plus vers la création d’une monnaie pour l’alliance, même si cet objectif semble difficile à atteindre. La Chine devrait profiter de ce sommet de Kazan pour avancer dans sa stratégie de sortie du dollars dans des échanges internationaux. L’annonce d’un nouveau système de paiement international, une alternative à Swift, est un objectif déclaré par l’alliance depuis 2015.  La volonté de se libérer du dollars est particulièrement importante. On voit ainsi, par exemple, les pays d’Asie du Sud-Est, comme la Malaisie ou la Thaïlande, qui devraient être acceptés au sein des Brics lors du sommet de Kazan- ainsi que le Vietnam- aller dans cette direction.

 

 

 

 

Posted in Europe/Monde, L'Agenda politique and tagged , .

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *