L'ECHIQUIER SOCIAL

2024 année électorale majeure : ces scrutins qui pourraient changer le monde

2024 sera une année électorale ou ne sera pas. Au cours des 12 prochains mois, sur tous les continents, deux milliards de personnes dans 50 pays seront invités à se rendre aux urnes. Soit plus qu’au cours de toute autre année de l’histoire. Des élections dans un contexte international pour le moins troublé. Panorama d’un temps électoral inédit.

Depuis que les grecs ont établi la démocratie au 6ème siècle avant Jésus Christ, jamais autant de personnes sur la planète Terre n’auront été appelées à voter au cours d’une même année. Quelque 50 pays répartis sur tous les continents organiseront en effet en 2024 des élections, auxquelles doivent participer deux milliards de personnes environ, soit un quart de la population mondiale. Dans 30 pays, il s’agira d’un scrutin présidentiel et dans une vingtaine d’autres, d’un renouvellement du pouvoir législatif. Les changements de gouvernement potentiels issus de ces scrutins pourraient faire basculer de manière décisive l’équilibre géopolitique, en affectant le soutien occidental à l’Ukraine, le conflit au Proche-Orient, les relations commerciales et l’économie mondiale.

Batailles électorales en Europe

Élections européennes : 6-9 juin

Quelque 400 millions de citoyens de l’UE choisiront en juin leurs représentants au Parlement européen. Important en termes de nombre d’électeurs, ce scrutin a jusqu’alors souffert d’un faible taux de participation et du désintérêt des citoyens qui estiment que l’Union européenne (UE) est trop éloignée de leur vie quotidienne. Une donne qui pourrait toutefois changer. Une étude  dévoilée par le Parlement européen le 6 décembre dernier montre en effet une augmentation substantielle (6 %) de l’intérêt pour ce scrutin, par rapport aux précédentes élections. Plus de la moitié (57%) des citoyens de l’UE déclarent s’y intéresser aux prochaines élections européennes. Selon l’enquête, si le scrutin avait lieu maintenant, 68 % des électeurs voteraient, soit 9 % de plus qu’en 2019.

Mais malgré ces perspectives optimistes, les projections de progression des partis d’extrême droite, confirmée par des récentes victoires dans de nombreux pays membres, font planer une ombre sur ce scrutin. De premiers sondages annoncent en effet une montée en puissance des partis eurosceptiques et de l’extrême droite, portés par les récents succès électoraux aux Pays-Bas, en Italie, en Finlande et en Suède. Selon les dernières données publiées par l’agrégateur de sondages Europe Elects, le groupe d’extrême droite au Parlement européen : Identité et Démocratie (ID), qui réunit le Rassemblement national (RN) français et le parAlternative für Deutschland, pourrait ainsi gagner jusqu’à 11 sièges lors du vote de juin.

Situé à l’extrême droite de l’échiquier politique, avec 87 sièges (sur les 720 que comptera le Parlement à partir de 2024), le groupe ID qui représente aujourd’hui un peu moins de 10 % des 705 sièges au , pourrait rivaliser avec les libéraux pour devenir le troisième plus grand parti au Parlement. Ce qui pourrait placer les populistes dans un rôle de faiseur de roi entre les deux principaux groupes : chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates.

Présidentielles et législatives dans toute l’Europe

La Finlande donnera le coup d’envoi du cycle électoral de l’UE avec une élection présidentielle le 28 janvier, dont le second tour est prévu pour le 11 février. La Slovaquie, en mars, et la Roumanie d’ici décembre, éliront également toutes deux un nouveau président. En Ukraine, la présidentielle devait en principe avoir lieu au printemps 2024, mais les textes interdisent les scrutins sous la loi martiale. Le président Volodymyr Zelensky a déjà déclaré que la tenue d’élections en temps de guerre serait “totalement irresponsable“.

Suivront des législatives au Portugal, le 10 mars, où le président portugais a convoqué des élections anticipées en novembre, après la démission du Premier ministre socialiste António Costa, toujours en poste à titre intérimaire, dans le cadre d’une vaste enquête de corruption. Ce sera ensuite le tour de la Lituanie qui choisira son président et organisera un référendum constitutionnel le 12 mai, puis élira un nouveau parlement d’ici le 6 octobre.

La Belgique quant à elle organisera le 9 juin, un double scrutin (élections européennes et fédérales). Selon les dernières projections, les indépendantistes flamands d’extrême droite du Vlaams Belang sont en tête en Flandre, le Parti socialiste en Wallonie, tandis que les libéraux pourraient l’emporter à Bruxelles. La coalition actuelle dirigée par le libéral Alexander De Croo, est en passe d’obtenir suffisamment de soutien pour gouverner à nouveau. Mais, le parti libéral flamand du Premier ministre est à un niveau historiquement bas dans les sondages en Flandre, du fait de sa position sur le conflit dans la bande de Gaza et la crise gouvernementale qui a suivi la récente attaque terroriste à Bruxelles.

L’élection autrichienne à l’automne pourrait s’avérer l’une des plus cruciales, alors que l’Europe s’efforce de contenir la poussée de l’extrême droite. Le Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ), parti d’extrême droite, est crédité de 30 % des intentions de vote aux législatives de septembre 2024.

La Croatie clôturera cette année électorale par l’élection d’un nouveau parlement (d’ici le 22 septembre) et d’un président (en décembre), tout comme la Lituanie, qui choisira son président et organisera un référendum constitutionnel le 12 mai, puis élira un nouveau parlement d’ici le 6 octobre.  Le Premier ministre britannique Rishi Sunak a enfin confirmé le mois dernier qu’il convoquerait des élections générales cette année. Le Parti travailliste d’opposition s’y attend en mai – et devrait remporter une grande victoire et mettre fin au règne de 14 ans des conservateurs.

Élections présidentielle aux États-Unis et en Russie

Aux États-Unis, le “match retour“

Le 5 novembre prochain, le monde aura les yeux vissés sur le résultat des élections américaines. Des dizaines de millions d’Américains se rendront aux urnes pour désigner leurs grands électeurs, eux-mêmes chargés de choisir le nouveau locataire de la Maison-Blanche. Une élection qui devrait avoir un air de déjà-vu, avec le très probable match retour de 2022 entre le président démocrate sortant Joe Biden, 81 ans, et son prédécesseur républicain, Donald Trump, 77 ans. Selon un dernier sondage New York Times/Sienna du 19 décembre, 44% des électeurs interrogés, se disent prêts à voter pour le président démocrate sortant, contre 46% pour son rival républicain.

Malgré 91 inculpations dans quatre affaires pénales – dont certaines portant sur ses tentatives d’invalider sa défaite face à Biden en 2020 –, l’emprise de l’ex président américain sur l’électorat républicain ne montre aucun signe de fléchissement. Mais la candidature de Donald Trump à la présidence des États-Unis pourrait être terminée avant même d’avoir commencé. Après la Cour suprême du Colorado, l’État du Maine a en effet invoqué dans une décision rendue publique le 28 décembre le 14e amendement de la Constitution américaine, pour décider que l’ancien président ne pouvait pas se présenter dans l’État en raison des actions qu’il a menées en lien avec l’attaque en janvier 2021 du Capitole.

Un scrutin majeur, dont l’issue est quoiqu’il en soit, décisive. Une prise de pouvoir par les Républicains – quel que le soit le candidat – pourrait en effet perturber la politique étroitement alignée de l’Occident sur l’Ukraine. Certains représentants au sein du Grand Old Party appelant à restreindre l’aide militaire et financière à Kiev. Elle aurait aussi un impact certain sur la gestion par les autorités américaines du conflit au Proche Orient. Enfin elle pourrait également signifier un retour aux conflits commerciaux.

En Russie : zéro suspense

Le 17 mars 2024, les Russes éliront leur prochain président. Et, le suspens est inexistant. Vladimir Poutine a annoncé son intention de se présenter pour un cinquième mandat, en tant que candidat “indépendant“, comme en 2004 et en 2018. Sa réélection pour six ans ne devrait être qu’une formalité, La voie est libre pour que le maître du Kremlin obtienne un nouveau mandat, après 23 ans passés déjà à la tête du pays, comme président et comme premier ministre. Ses principaux opposants politiques sont soit exilés, soit emprisonnés, comme Alexeï Navalny, soit morts. Vladimir Poutine peut donc se présenter sans crainte en 2024 et a la possibilité, grâce à une réforme constitutionnelle adoptée en 2020, de rester au pouvoir jusqu’en 2036. ce qui lui ferait battre le record de longévité au Kremlin, établi par Joseph Staline le siècle dernier.

Autres élections à surveiller

Ailleurs dans le monde, on votera également cette année, en Iran, en Indonésie, en Inde, au Pakistan et au Bangladesh, en Corée du Sud, à Taïwan, au Bhoutan, au Cambodge, en Azerbaïdjan, au Sénégal, en Algérie, aux Comores, en Namibie, en Guinée-Bissau, au Mali, au Burkina Faso, au Rwanda, au Togo, en Mauritanie, en Afrique du Sud, à Maurice, au Mozambique, au Salvador, au Panama, en République dominicaine, au Mexique, Uruguay, et jusqu’aux Iles Salomon, îles Palaos et à Tuvalu. Quelques uns de ces scrutins focaliseront plus que d’autres, l’attention.

En Inde, près d’un milliard d’électeurs

Les élections législatives générales qui se dérouleront en Inde au mois de mai devraient mobiliser quelque 945 millions d’Indiens, appelés aux urnes pour désigner les députés à la chambre basse du Parlement, la Lok Sabha. L’enjeu de ce scrutin : une légitimité renforcée pour le Premier ministre Narendra Modi, dont le parti, le Bharatiya Janata Party (BJP) au pouvoir depuis 2014, est donné largement vainqueur, et devrait permettre au leader nationaliste hindou de briguer un troisième mandat. Il lui faudra toutefois faire face lors de ce scrutin  à la nouvelle alliance scellée en juillet par l’opposition, qui présente un front uni. Baptisée India, la coalition rassemble autour du parti du Congrès plus d’une vingtaine de partis d’opposition. Leur objectif : empêcher Modi de poursuivre sa stratégie d’hindouisation de la société, alors que les libertés civiles disparaissent une à une dans ce pays devenu en 2023 le plus peuplé du monde.

Au Mexique, un duel au féminin

Deux femmes se disputeront pour la première fois la présidence en 2024 au Mexique lors du scrutin qui se tiendra le 2 juin. Une première dans l’histoire d’un pays qui enregistre des milliers de féminicides par an. L’ex-maire de Mexico, Claudia Sheinbaum, 61 ans, du parti au pouvoir Morena (gauche), aura pour principale adversaire la sénatrice Xochitl Galvez, 60 ans, pour un Front regroupant trois partis d’opposition. A ce jour, la première est donnée largement en tête dans les sondages.

Au Venezuela, Nicolas Maduro pour un troisième mandat

Le socialiste Nicolas Maduro, successeur d’Hugo Chavez, espère décrocher un troisième mandat lors des élections qui se dérouleront au second semestre – la date précise n’étant pas encore fixée. L’homme joue à nouveau sa crédibilité lors de cette élection. Sa réélection en 2018, largement considérée comme frauduleuse, n’a pas été reconnue par de nombreux pays, notamment les Etats-Unis. Et pour 2024, rien n’est acquis, malgré la levée des sanctions américaines qui devraient donner un peu d’air à l’économie du pays.

Taïwan à l’heure des choix, sous menace chinoise

C’est une élection présidentielle sous haute tension qui se tiendra le 13 janvier à Taïwan. Un scrutin capital pour cet archipel qui vit sous la menace d’une invasion chinoise. Le ministère de la Défense Taïwanais a d’ailleurs décidé de mettre en alerte l’ensemble de ses troupes du 12 au 14 janvier 2024 pour être prêt à faire face à toute manoeuvre que pourrait décider d’amorcer Pékin, pour perturber le scrutin. Les derniers sondages accordaient toujours une avance au Parti démocrate progressiste, au pouvoir, et à son candidat présidentiel, l’ex-premier ministre Lai Ching-te. bête noire du régime de Xi Jinping en raison de sa défense de l’autonomie de l’île et de ses accointances avec les Occidentaux, particulièrement les États-Unis.

En Iran, une élection sous la coupe des Mollahs

Combien seront-ils à la date du scrutin, pour renouveler les 290 sièges du Parlement et les 88 de l’Assemblée des experts, organe clé chargé de nommer, surveiller et éventuellement démettre le guide suprême ? Nul ne peut le prévoir, car les listes ne seront définitives qu’un mois avant. Pour l’heure, plus de 49.000 personnes se sont portées candidates aux élections législatives iraniennes qui se tiendront le 1er mars prochain. C’est près de trois fois le nombre de candidats de 2020 (16.000). Chaque candidat devra ensuite être approuvé par le Conseil des gardiens, un organe religieux de 12 membres dont la moitié est directement nommée par le guide suprême.

L’enjeu est important, car le précédent scrutin en 2020, avait été marqué par la disqualification massive de candidats réformateurs et modérés, ce qui avait pratiquement réduit l’élection à une compétition entre conservateurs et ultraconservateurs. Pour l’heure, le président Ebrahim Raïssi, actuel vice-président de l’Assemblée des experts ainsi que l’ancien président modéré Hassan Rohani, sont candidats pour un nouveau mandat.

 

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