Quarantaine, contrôle, traçage : ce que contient le projet de loi pour prolonger l’urgence sanitaire

Le conseil des ministres a adopté samedi le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 24 juillet. Le texte qui encadre la stratégie nationale de déconfinement introduit ou précise certaines mesures : mise à l’isolement et placement en quarantaine, restriction des déplacements, élargissement du pouvoir de verbalisation, et mise en place d’un système de traçage des malades.

La “course de fond qui s’est engagée il y a un mois et demi […] n’est pas encore terminée“, a mis en garde Olivier Véran. Après un conseil des ministres extraordinaire, le ministre de la Santé et celui de l’Intérieur,  ont dévoilé samedi le projet de loi prorogeant l’état d’urgence sanitaire. Un texte articulé autour de sept articles, qui vise à “conforter le cadre juridique” et à l’”élargir”, pour “y intégrer les enjeux du déconfinement”, qui doit commencer le 11 mai, a précisé M. Véran. Son examen en séance au Sénat est prévu dès lundi, à 14h30, puis dans la foulée, à l’Assemblée nationale mardi, en vue d’une adoption définitive dans la semaine.

L’état d’urgence sanitaire prorogé de 2 mois

Entré en vigueur le 24 mars, l’état d’urgence sanitaire est prorogé de 60 jours, soit jusqu’au 24 juillet. Selon l’exposé des motifs du projet de loi, “le niveau de circulation du virus reste élevé et les risques de reprise épidémique sont avérés en cas d’interruption soudaine des mesures en cours. “Une levée de l’état d’urgence le 23 mai serait donc prématurée“, les risques de reprise épidémique étant “avérés en cas d’interruption soudaine des mesures en cours”.

Des mesures de mise en quarantaine et de placement à l’isolement

Le projet de loi complète les mesures pouvant être prises par le Premier ministre dans la perspective du déconfinement. Il précise ainsi les régimes de mise en quarantaine et de placement à l’isolement administratif (article2 ), en définissant les conditions dans lesquelles ces mesures peuvent être ordonnées. La quarantaine et le placement à l’isolement “interdisent toute sortie de l’intéressé hors du lieu où [ils] se déroulent” et “peuvent à tout moment faire l’objet d’un recours devant le juge des libertés et de la détention.” Ce dernier devra statuer sur ces mesures dès lors qu’elles se poursuivent au-delà de 14 jours.

Mise en quarantaine à l’arrivée sur le territoire

La mise en quarantaine “sera imposée à toute personne qui entre sur le territoire et sera organisée avec les moyens de l’Etat” a précisé le ministre de la Santé. Les conditions de durée, de lieu, de suivi sanitaire dans lesquelles ces dernières sont prescrites et les restrictions de sortie qui s’appliquent à ces mesures seront définies par décret. Ces conditions seront déterminées, après avis du comité de scientifique, en fonction de la nature et des modes de propagation du virus, a détaillé le ministre, précisant que la quarantaine concernait bien “les gens qui ne sont pas symptomatiques”. Pour ceux qui développeraient des symptômes, l’isolement sera obligatoire.

Revenant sur les propos du ministre de la Santé, l’Elysée , a annoncé dans la soirée du dimanche 3 mai, que cette quarantaine ne s’imposera toutefois pas à “toute personne, quelle que soit sa nationalité, en provenance de l’Union européenne, de la zone Schengen ou du Royaume-Uni”

Les mesures de quarantaine et de placement à l’isolement sont soumises au contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD), lorsqu’elles sont assorties d’une interdiction de sortie. Le juge pourra être saisi par la personne concernée ou se saisir lui-même à tout moment. Il aura 72 heures pour statuer. La durée totale des mesure de quarantaine ou d’isolement est limitée à un mois.

Isolement pour les malades entrant en France

Dès lors qu’elles sont contaminés par le Covid-19, les  personnes arrivant sur le sol français, que ce soit sur le territoire métropolitain, en Corse ou dans un territoire d’Outre-mer, seront placées à l’isolement, après qu’un médecin ait constaté l’infection et sur proposition du directeur général de l’Agence régionale de santé. “Les Français continueront d’être responsables ; il n’y a pas besoin de mettre de mesures dans la loi pour les contraindre à rester chez eux”, a déclaré Olivier Véran. Aucune mesure coercitive n’est donc prévu, en cas de non-respect de cet isolement. “Nous faisons le choix de la responsabilité des Français” pour les malades infectés, a précisé M. Véran.

Lors de la présentation du plan de déconfinement le 28 avril, le Premier ministre Edouard Philippe avait indiqué à ce titre : “Nous laisserons le choix à la personne testée positive de s’isoler chez elle, ce qui entraînera le confinement de tout le foyer pendant quatorze jours, ou bien de s’isoler dans un lieu mis à sa disposition, notamment dans des hôtels réquisitionnés.”

Un pouvoir de verbalisation étendu

Les mesures pouvant être prises dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire sont précisées et complétées en matière de règlementation des déplacements et des transports, d’ouverture des établissements recevant du public et des lieux de regroupement de personnes (article 2).

Pas de déplacements au-delà de 100 km, sans attestation

“Le 11 mai, si les conditions sont réunies, la règle générale redeviendra la liberté de circulation et les Français n’auront plus à produire d’attestation pour sortir dans la rue”, a déclaré Christophe Castaner, qui a annoncé que le port du masque dans les transports en commun serait obligatoire. Le ministre de l’Intérieur est notamment revenu sur la possibilité de circuler sans attestation sauf au-delà de 100 km du domicile. Il a précisé que la libre circulation entre départements, qu’ils soient verts ou rouges dans la carte du déconfinement, serait la règle. M. Castaner a toutefois laissé le doute sur le fait qu’il s’agisse d’une distance à vol d’oiseau ou par la route.

De nouveaux agents verbalisateurs

Afin de faire respecter ces règles, le projet de loi prévoit d’étendre les pouvoirs de verbalisation. Les catégories de personnes habilitées à constater la violation des dispositions prises sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire sont ainsi étendues. Dès lors que la contravention a lieu dans des transports publics, pourront désormais “constater le non-respect des règles de l’urgence sanitaire et le sanctionner : les adjoints de sécurité, les gendarmes adjoints volontaires, les réservistes de la police et de la gendarmerie nationale ainsi que, et c’est important, les agents de sécurité assermentés dans les transports mais aussi les agents des services de l’autorité de la concurrence pour les commerces”, a détaillé Christophe Castaner.

La mise en place du “contact tracing

Afin de casser les chaînes de transmission en identifiant le plus rapidement possible les personnes ayant été au contact des personnes infectées (traçage des contacts ou contant tracing), le projet de loi dans son chapitre II, détaille le système d’information mis en oeuvre “aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19, pour la durée de celle-ci ou, au plus tard, pour une durée d’un an à compter de la publication de la présente loi”. Il dresse également la liste des personnes qui pourront accéder à ces systèmes d’information sur les données de santé. Les modalités d’application de ce système seront fixées par décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Selon le ministre de la Santé, cette dernière rendra un avis public sur ce “système d’information” dans les prochains jours. Olivier Véran a annoncé à ce titre la mise en place de deux fichiers, le Sydep et le “Contact Covid”.

La Caisse nationale dispose d’une dizaine de jours pour affiner ce dispositif d’une ampleur inédite. Pour ce faire, elle a élaboré un outil sécurisé de collecte des informations relatives aux contacts des personnes contaminées.

L’application “Stop Covid”, pas à l’ordre du jour

 Annonçant que  le traçage des contacts des personnes testées positives ne se fera finalement pas avec une application sur téléphone, Olivier Véran a précisé que les données collectées via le fichier Sydep, ou le fichier Contact Covid, par les brigades “d’anges gardiens” de l’assurance maladie, seront indépendantes de l’application de type StopCovid. Et d’ajouter : “Au 11 mai, non, il n’y aura pas d’application StopCovid disponible dans notre pays et le premier ministre a été très clair : si ce type d’application devait voir le jour, il y aurait un débat spécifique au Parlement, rien n’a changé de ce point de vue là.

Classé dans COVID_19, Veille juridique.

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