Fraude à la TVA, détournement de fonds, corruption… Chaque année, plusieurs milliards d’euros échappent au budget de l’UE. Installé au Luxembourg, le nouveau parquet européen doit y faire face. Organisation, missions, compétences… Tour d’horizon de cette instance anti-fraude qui entre officiellement en fonction ce 1er juin.
C’est le nouvel outil anti-fraude de l’Union Européenne. Avec plusieurs mois de retard sur l’échéance initiale, le parquet européen entre en fonction ce mardi 1er juin. Cette instance indépendante basée au Luxembourg sera chargée de la lutte contre les atteintes aux intérêts financiers de l’Union.
La fraude contre les intérêts financiers de l’UE est aujourd’hui largement répandue. Chaque année, des milliards d’euros échappent en effet au budget européen, et donc à celui de ses Etats membres. Selon les institutions européennes, la fraude transnationale serait de l’ordre 50 milliards d’euros par année. En 2018, la seule fraude à la TVA aurait représenté à elle seule 140 milliards d’euros de pertes pour les budgets des Etats membres. Un chiffre qui pourrait avoir atteint 164 milliards d’euros en 2020 en raison de la crise du Covid-19, selon les estimations de la Commission européenne.
Une entrée en fonction au 1er juin
En novembre 2017, l‘Union Européenne a acté par règlement la création d’un Parquet européen . L’entrée en fonction de cette instance prévue au mois de novembre 2020, a été retardée du fait de la pandémie de Covid-19, mais aussi du retard de certains Etats membres dans la désignation de leurs procureurs délégués.
Le 7 avril dernier, la procureure en chef, Laura Kövesi, a proposé la date du 1er juin 2021 pour son lancement. Deux mois plus tard, le parquet européen compte 88 procureurs délégués de 20 pays (les procureurs délégués de Finlande et de Slovénie manquent encore à l’appel). À partir de ce mardi 1er juin, les institutions et organes de l’UE, ainsi que les autorités compétentes des 22 États membres, peuvent signaler sans retard au Parquet européen tout comportement délictueux à l’égard duquel il pourrait exercer sa compétence. Tout individu peut également alerter l’instance sur les cas présumés de fraude et autres délits affectant le budget de l’Union.
22 membres sur les 27 de l’UE
Le parquet européen qui siège à Luxembourg, tout comme la Cour de justice de l’UE (CJUE) réunit 22 des 27 membres de l’UE : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, la Bulgarie, la Croatie, Chypre, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, l’Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la République tchèque, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. La Hongrie, la Pologne, l’Irlande, la Suède et le Danemark ont décidé de ne pas y prendre part. A la tête de l’instance, une magistrate de choc, la Roumaine Laura Kovési, figure de la lutte anti-corruption dans son pays. Elle sera épaulée par une équipe de 22 procureurs délégués – chacun désigné par un Etat participant – qui auront pour rôle de mener les enquêtes et d’engager les poursuites pénales.
La Roumaine Laura Kövesi nommée à la tête du nouveau Parquet européen https://t.co/lhEQ2D5dc8 pic.twitter.com/nX2IELQtCA
— L'Echiquier social (@EchiquierSocial) June 1, 2021
Un double niveau stratégique
Quelle composition ?
Outre la procureure générale Laura Kovési, élue pour un mandat de sept ans non renouvelable, le parquet européen se compose d’un procureur européen par État membre, choisis par le Conseil au sein de trois candidatures proposées par État membre. En juillet 2020, le collège des 22 procureurs européens a été désigné pour six ans (avec une rotation partielle tous les trois ans pour un tiers des États). Parmi eux figure le Français Frédéric Baab. Au niveau décentralisé, des procureurs européens délégués sont chargés de mener les enquêtes et les poursuites pénales dans chaque pays en lien avec les autorités nationales. Cinq d’entre eux ont été nommés par la France.
Quel fonctionnement ?
Le Parquet européen fonctionne comme un parquet unique pour tous les pays de l’UE participants. Il exercera ses fonctions en toute indépendance, dans l’intérêt de l’Union Européenne, et ne sollicitera ni n’acceptera d’instructions d’autorités européennes ou nationales. Structurellement, il est composé de deux niveaux stratégiques : le niveau central et le niveau national.
Le bureau central se compose du procureur général européen et d’un collège 22 procureurs européens (un par pays participant de l’UE), dont deux sont nommés procureurs en chef européens adjoints, et du directeur administratif. Il est en charge de superviser les enquêtes et les poursuites menées au niveau national, dans chaque pays de l’UE participant.
Le niveau décentralisé se compose de procureurs européens délégués qui sont basés dans les pays membres de l’UE. Quatre-vingt huit (dont quatre en France) ont été nommés dans 20 pays. En Italie, on en compte pas moins de quinze, et onze en Allemagne… Ces derniers traitent l’affaire dans l’État membre où l’infraction alléguée a été commise et mènent les enquêtes et les poursuites dans leur État membre, en collaboration avec le personnel national et en appliquant la législation nationale. Ils ont le pouvoir d’organiser des saisies et de délivrer des mandats d’arrêt.
Traquer les fraudeurs portant atteinte aux intérêts financiers de l’UE
La création du Parquet européen constitue une évolution majeure dans la lutte contre les infractions portant atteinte au budget de l’UE. À l’heure actuelle, seules les autorités nationales peuvent mener des enquêtes et engager des poursuites contre la fraude portant atteinte au budget de l’Union Européenne. Leurs compétences s’arrêtent toutefois aux frontières nationales et les outils dont elles disposent pour lutter contre la fraude financière à grande échelle dans plusieurs pays sont limités.
Quelle mission ?
Le pouvoir d’enquête dévolu au Parquet européen se veut une réponse à ces lacunes. Indépendant et décentralisé de l’Union européenne, sa mission est de diriger des enquêtes et de mener des poursuites pénales contre des infractions portant atteinte au budget de l’UE. Dans le viseur des autorités européennes, la fraude transfrontière à la TVA (en cas de préjudice dépassant 10 000 euros) la corruption, le détournement de fonds ou d’actifs de l’UE par un agent public, ou le blanchiment de capitaux et la criminalité organisée. Le Parquet européen pourra agir rapidement dans des affaires transfrontières, rendant superflues les longues procédures de coopération judiciaire. Ce qui devrait permettre d’augmenter le nombre de poursuites couronnées de succès et contribuer à récupérer plus efficacement les fonds obtenus de manière frauduleuse.
Quelle articulation avec les organismes existants ?
Les organes existants de l’UE tels qu’Eurojust et Europol ne disposent pas des pouvoirs nécessaires pour mener des enquêtes et des poursuites pénales. S’agissant de l’Office Européen de Lutte Anti Fraude (OLAF) , l’OLAF continuera de mener des enquêtes administratives sur les irrégularités et les fraudes portant préjudice aux intérêts financiers de l’UE, dans tous les pays de l’Union. Dans ce contexte, il consultera le Parquet européen, compétent pour les enquêtes pénales, et travaillera en étroite coordination avec lui. L’objectif étant d’assurer la protection la plus large possible du budget de l’UE.
🚨Le Conseil adopte de nouvelles règles pour renforcer la lutte contre la fraude.
L'objectif des nouvelles règles est d'assurer, entre autres, une coopération harmonieuse entre l'OLAF et le Parquet européen, qui devrait être opérationnelle dès 2021.👉https://t.co/NF6Ae4De7F pic.twitter.com/7zrpiw9dxF
— Europe Montpellier Occitanie (@EuropeMtpOc) December 5, 2020