Le 49-3 va être très probablement activé ce mercredi, dernier jour d’examen à l’Assemblée, de la partie recettes du prochain budget. Le Conseil des ministres va aussi autoriser l’utilisation de cet outil controversé, pour faire voter le budget de la Sécurité sociale. Avec quelle chance d’aboutir Explications.
Le couperet va tomber ce mercredi. Après plusieurs jours de débats houleux dans l’hémicycle et alors que près de 2000 amendements restaient encore à discuter mardi soir, le gouvernement va dégainer ce mercredi le 49-3 pour faire adopter la première partie de son budget. Une arme suprême pour éviter l’enlisement d’un texte clé pour les finances publiques, et le rejet de certaines mesures phares tels les boucliers tarifaires.
Le recours au 49.3 sera “probablement pour demain“, dernier jour d’examen de la partie dépenses du projet de budget pour 2023 par l’Assemblée, en vertu “du délai constitutionnel“ prévu, a assuré sur France 2 Olivier Véran. “Maintenant, on verra comment les débats évoluent dans la journée“ de mardi, a prévenu le porte-parole du gouvernement.
L’exécutif défend sa volonté d’être allé au bout des débats. “La réalité c’est que nous voulons le débat. “Nous avons fait 8 jours de débat, nous avons fait 50 heures de débat, nous avons examiné 1.000 amendements : nous ne faisons pas semblant ! Nous voulons mener ce débat depuis le début ! Nous sommes sincères !“, défendait encore mardi devant les députés, le rapporteur général de la commission des finances, Jean-René Cazeneuve.
Du côté des oppositions, on rappelle que l’exécutif a lui-même provoqué cette situation : “c’est le gouvernement qui s’est révélé incapable de construire les compromis qu’il appelle de ses vœux et qui a convoqué très tôt et le premier la menace du 49.3“, indiquait dans la nuit le député socialiste Boris Vallaud.
La cheffe du gouvernement et ses ministres étant attendus au Sénat en début d’après-midi pour les questions au gouvernement, c’est seulement à l’issue de celles-ci que le 49.3 pourra être déclenché en fin de journée.
49-3 : quel fonctionnement ?
L’article 49 alinéa 3 de la Constitution donne la possibilité au Premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, d’engager la responsabilité du Gouvernement sur le vote de certains textes :
- d’un projet de loi de finances (PLF) ;
- d’un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ;
- d’un autre projet ou une proposition de loi en débat à l’Assemblée nationale.
Depuis la révision constitutionnelle de 2008, l’usage de ce dispositif est limité à un seul texte de loi par session parlementaire, à l’exception des PLF et PLFSS, pour lesquels le gouvernement peut y recourir sans limitation. Si le Premier ministre décide d’y recourir, sa décision entraîne la suspension immédiate de la discussion du projet de loi. Le texte est considéré comme adopté, sans être soumis au vote, sauf si une motion de censure est déposée dans les 24 heures qui suivent.
Article 49.3 : comment fonctionne-t-il ? Combien de fois a-t-il été utilisé durant la Ve République ? https://t.co/Ad3Q146d2F
— Le Monde (@lemondefr) October 19, 2022
Le scénario
Une motion de censure de la Nupes, prête
On l’a dit, le dépôt des motions de censure doit intervenir dans les 24 heures suivant l’activation du 49.3. Celle de la Nupes est déjà prête. Elle sera déposée au nom des 4 groupes (Insoumis, socialistes, communistes et écologistes). Le texte ne sera toutefois pas défendu en discussion générale par les Insoumis, qui forment pourtant le gros des troupes, mais par les écologistes, en l’occurrence par la présidente du groupe Cyrielle Chatelain. La Nupes a en effet décidé de “tourner“ entre les groupes de l’Alliance de gauche, pour défendre les différentes motions de censure à venir. L’idée étant, en mettant en avant les écologistes plutôt que les Insoumis, d’être aussi d’être moins clivant, en espérant ainsi récolter plus de voix, expliquait en substance un député socialiste la semaine dernière.
49-3 #PLF2023 #MotionDeCensure https://t.co/eAcPak7OW0
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Mais qui ne devrait pas suffire
La motion de censure de la Nupes est certes unanime, regroupant toutes les composantes de la Nouvelle alliance de la Gauche. Pour autant, elle ne devrait pas permettre de faire tomber le gouvernement, puisque pour être adoptée, une motion de censure doit être votée par une majorité absolue de députés.
«La position de Marine Le Pen a été de dire qu'elle ne voterait pas la motion de censure de la Nupes. La conséquence est simple: le gouvernement ne peut pas être renversé.» @Jerome_Jaffre pic.twitter.com/XHL4m1D7up
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Autrement dit, il faudrait à la Nupes, le soutien du groupe Les Républicains (LR) et du Rassemblement National (RN). Les premiers ont déjà dit non : “L’instabilité gouvernementale, faire tomber un gouvernement pour le faire renommer, n’apporterait pas grand-chose de positif au pays, a indiqué Olivier Marleix, le chef de file des LR. Cette motion ne sera également pas soutenue par le Rassemblement national et ses 89 députés. Sa chef de file, Marine Le Pen, a tranché : “Nous ne voterons pas la motion de censure de la Nupes pour une raison très simple : nous ne partageons pas avec la Nupes les critiques qu’ils font à l’égard du gouvernement, car nous en avons d’autres. Le RN n’exclut pas de déposer sa propre motion de censure, qui n’a pas davantage de chances d’aboutir.
49.3: Marine Le Pen indique qu'"a priori" les députés RN ne voteront pas la motion de censure de la Nupes https://t.co/ACVgItoD2w via @BFMTV
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Quel texte soumis au 49-3 ?
Le gouvernement peut choisir de soumettre au 49-3 le texte, soit dans sa version initiale non amendée, soit enrichie des amendements adoptés par les députés, y compris contre son avis. Au total, l’exécutif envisagerait de repêcher une centaine d’amendements dans la version finale du projet de loi, pour un total de 700 à 800 millions d’euros.
FRANCE INFO 🔵 “Le compromis, c’est une obligation” : les amendements au budget, un casse-tête pour le gouvernement avant le recours au 49.3 https://t.co/lIBySG0V0q pic.twitter.com/jbSfOKKJEN
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Ainsi, il devrait notamment conserver la hausse du plafond de crédit d’impôt pour les frais de garde d’enfants de moins de six ans, à 3500 euros par enfant à charge, contre 2300 euros aujourd’hui. Il souhaiterait également soutenir la baisse de la fiscalité des petites entreprises, en conservant un amendement proposant d’augmenter le plafond des bénéfices soumis au taux réduit d’impôt sur les sociétés de 15%.
Le gouvernement veut aussi conserver un amendement de la majorité pour supprimer un avantage fiscal dont bénéficient les jets privés pour leur carburant (taux d’accise réduit). Bruno Le Maire quant à lui, soutient la proposition de la socialiste Valérie Rabault de prolonger d’une année supplémentaire le taux réduit de 5,5% de TVA applicable aux masques, tenues de protection et produits d’hygiène destinés à la lutte contre la propagation du Covid-19.
En revanche, l’exécutif ne devrait pas retenir l’amendement MoDem voté par l’Assemblée pour une taxation des “superdividendes“ des grandes entreprises, qualifiée par le ministre de l’Économie, de mesure “profondément injuste“. Il ne devrait pas plus intégrer au texte, le rétablissement de “l‘exit tax“ voté par une coalition des oppositions. Une mesure contre l’exil fiscal des entrepreneurs.
Bis repetita pour le budget de la Sécu
Le gouvernement se réserve la possibilité, comme pour le projet de budget de l’État, d’un recours à l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter sans vote, la partie recettes du PLFSS 2023. A quelques heures du déclenchement du premier 49.3 de la session ordinaire, la question est à l’ordre du jour ce mercredi du Conseil des ministres, qui devrait autoriser le gouvernement à y recourir. Et ce, très rapidement : potentiellement dès les deux premiers jours d’examen du texte, ce jeudi ou vendredi.
Le PLFSS est composé de 4 parties : la première et la seconde étant relatives à l’année précédente et l’année en cours, seront balayées rapidement. La troisième partie du PLFSS, qui concerne les recettes, sera examinée et c’est sur celle-ci que le 49.3 sera actionné une première fois. Il en faudra ensuite un second pour faire passer la quatrième partie, celle sur les dépenses, et ce d’ici à mercredi prochain pour respecter le calendrier parlementaire. Matignon a d’ailleurs déjà demandé aux groupes de la majorité quels sont les amendements qu’ils tiennent à voir figurer dans le texte final.
Une option confirmée par Olivier Véran, lors du compte-rendu du Conseil des ministres, ce mercredi 19 octobre. “Lors de l’examen du budget de la Sécurité sociale, il est à craindre à nouveau un blocage lié à des postures politiques des groupes d’opposition.“ “Le gouvernement devra engager si nécessaire, sa responsabilité là encore via le 49-3, tout en prenant là encore les apports des groupes majoritaires et des oppositions“, a affirmé le porte-parole du gouvernement.