Rencontre de Saint-Denis : un acte 2 marqué par des défections en série

Après une première rencontre fin août, Emmanuel Macron reçoit une nouvelle fois vendredi, les chefs de partis à Saint-Denis. Un nouveau sommet consacré notamment à la réforme des institutions et à la situation internationale. Mais l’unité à laquelle appelle le chef de l’État dans son courrier d’invitation, est compromise. Il va devoir composer avec des défections en série.

“Même format, mêmes règles“, pour cette nouvelle session de travail dans l’ancienne abbaye loyale de Saint-Denis. Plus de deux mois après une première rencontre inédite, le 30 août dernier  dans ce même lieu, Emmanuel Macron a convié de nouveau les chefs des principaux partis pour un échange à huis clos, ce vendredi 17 novembre.

“Au vu tant du contexte international que des enjeux auxquels la France est confrontée, notre responsabilité est de dépasser nos clivages dans l’intérêt du pays“  écrit le chef de l’État dans un courrier de plusieurs pages adressé le 5 novembre dernier aux chefs de partis. “Notre objectif sera toujours d’échanger avec franchise et respect, afin de convenir de voies d’action qui pourront trouver des concrétisations rapides“, ajoute t-il.

Au sommaire : réforme des institutions et décentralisation

Outre le conflit entre Israël et le Hamas, le locataire de l’Élysée propose à ses interlocuteurs de se pencher sur les institutions. Il s’agit notamment, explique-t-il, de “renforcer la souveraineté populaire et la vitalité démocratique de notre pays“, et d’“avoir un échange sur la lutte contre les ingérences étrangères dans notre espace médiatique“.

Changer les règles du référendum

Dans son invitation lancée aux chefs de partis, Emmanuel Macron propose notamment, d’élargir le champ de la consultation des Français aux “questions de société“, afin de pouvoir soumettre au suffrage universel direct des textes portant notamment sur l’immigration. “Il s’agirait à la fois de saisir des projets de loi relevant de questions dites sociétales, comme la fin de vie parfois évoquée, mais également de réformes plus larges touchant plusieurs aspects intriqués entre eux, comme c’est le cas des questions migratoires, qui relèvent de sujets régaliens, économiques, sociaux ou même diplomatiques », écrit le chef de l’Etat. Dans une des annexes transmises aux différentes formations politiques invitées, l’Elysée rappelle que “cet instrument démocratique n’est plus utilisé depuis plus de vingt ans.“Nos concitoyens souhaitent aujourd’hui être mieux associés aux grands choix de la Nation“, peut-on lire.

Modifier le RIP

Emmanuel Macron souhaite également une “clarification“ de la procédure du référendum d’initiative partagée (RIP). L’idée est d’abaisser les seuils requis, en permettant à 1/10e des membres du Parlement (soit 93 d’entre eux) et à un million d’électeurs de déclencher la procédure – contre 1/5e des parlementaires et quelque 5 millions de Français aujourd’hui. Le président suggère par ailleurs d’abaisser le nombre de parlementaires requis (93 contre 185) et de “donner aussi aux citoyens la possibilité de prendre l’initiative“ d’un RIP, “alors qu’aujourd’hui seuls les parlementaires peuvent lancer la procédure“.

Simplifier l’organisation territoriale

Le chef de l’Etat entend aussi évoquer la décentralisation. Il a confié une mission sur ce thème à l’ancien ministre et député Eric Woerth, “afin de formuler des pistes de réformes qui pourraient répondre aux objectifs partagés ensemble : simplifier, clarifier, rendre plus efficace et restaurer la confiance de nos concitoyens.“ Parmi les pistes de réflexion, la simplification de l’organisation territoriale, “en vue de réduire le nombre de strates décentralisées aujourd’hui trop nombreuses et de mieux les articuler entre elles.“ Cette cure d’amaigrissement du millefeuilles territorial pourrait passer par “des solutions différenciées selon les territoires.

Dans sa missive, Emmanuel Macron soumet également aux dirigeants politiques, des modifications de la Constitution liées à la Corse, à la Nouvelle-Calédonie et aux outre-mer, dans une “logique de plus grande différenciation“, et de la décentralisation.

Des défections en série

Face à une série de défections, l’Élysée a réagi“, indiquant : Jusqu’à vendredi, les portes de cette rencontre resteront ouvertes à tous ceux qui y ont été conviés.“  “Les rencontres de Saint-Denis visent à faire émerger de nouveaux consensus sur des sujets majeurs parmi lesquels la réforme de notre Constitution devant conduire à l’élargissement du champ du référendum“, souligne la présidence, rappelant en creux que cette réforme faisait précisément partie des revendications de la droite, demandeuse d’un référendum sur l’immigration.

Face à la politique de la chaise vide choisie par plusieurs leaders politiques, Emmanuel Macron se retrouvera, sauf coup de théâtre de dernière minute, face à trois opposants au lieu de six : Marine Tondelier (Europe Ecologie-Les Verts), Fabien Roussel (Parti communiste) et Jordan Bardella (Rassemblement national).

La gauche représentée en partie

Après les échanges de la fin août, plusieurs leaders politiques, notamment à gauche, avaient laissé planer le doute sur une éventuelle future participation à une nouvelle rencontre, déçus par la première. “Opposés à la monarchie présidentielle, nous considérons au contraire que les débats politiques indispensables pour faire face aux crises qui frappent notre pays doivent avoir lieu dans les Assemblées parlementaires“ avait ainsi écrit le coordinateur de La France Insoumise (LFI), Manuel Bompard.

Le dirigeant communiste, Fabien Roussel, a lui annoncé sa présence. “Nous irons, pour pouvoir parler de Gaza et de la Palestine, puisque c’est à l’ordre du jour. Et nous avons tellement de choses à dire (…)“, a indiqué le secrétaire national du PCF.

A gauche toujours, la patronne des écologistes Marine Tondelier se rendra à l’invitation d’Emmanuel Macron, même si elle mais n’est “pas dupe“ de la méthode du chef de l’État qui “refuse toute forme d’écoute“. La secrétaire nationale d’EELV explique qu’elle viendra parler de “questions environnementales“, sujets dont elle avait déjà déploré l’absence lors des précédentes rencontres, explique t-elle.

Le PS et LFI ont en revanche annoncé qu’ils boycotteront la rencontre. Premier à répondre clairement à cette nouvelle invitation présidentielle, Olivier Faure a décliné l’invitation le 6 novembre, arguant qu’il ne “veut pas supprimer le Parlement“. Sur Public Sénat, le patron du PS a in indiqué qu’il n’y a “jamais eu de consensus sur aucun sujet“ avec Emmanuel Macron. “Il laisse penser qu’il y aurait une forme de nouveau cénacle“, “avec quelque happy few, quelque privilégiés qui auraient la chance de parler avec le chef de l’État, les chefs de partis qui feraient leur tambouille, c’est non.“ “Ce sera sans moi“, a conclu le premier secrétaire du parti socialiste.

Les insoumis de leur côté ont attendu le mardi 7 novembre pour répondre clairement.  “Nous rejetons la multiplication de ces exercices monarchiques visant à contourner le débat organisé dans ses formes constitutionnelles. En France, c’est à l’Assemblée nationale et au Sénat que se mènent les débats politiques et que se votent les lois“, tonne le mouvement dans un communiqué publié à la mi-journée. LFI dénonce aussi le fond de la rencontre. “Nous observons que les pistes du travail du président de la République sur une éventuelle réforme du référendum donnent la part belle aux propositions de la droite et de l’extrême droite mais écartent toute possibilité de consulter les Français sur la réforme des retraites, refusent la mise en place d’un référendum d’initiative citoyenne ou la limitation des pouvoirs présidentiels“, écrit le parti.

Ciotti décline l’invitation

Après les chefs de file du PS et de LFI, le président du parti Les Républicains a annoncé à son tour qu’il ne participerait pas à cette réunion. Alors qu’il avait laissé entendre qu’il renouvellerait l’expérience, après avoir assisté à la première rencontre en août, Éric Ciotti a décliné l’invitation dans une lettre adressée au président de la République, trois jours avant la rencontre.

“Je ne serai pas présent à Saint-Denis“, a indiqué mardi le député des Alpes Maritimes dans un entretien au Figaro. Fustigeant notamment “une énième démarche de communication“, il justifie sa décision, par l’absence d’Emmanuel Macron à la marche contre l’antisémitisme dimanche 12 novembre.

J’ai beaucoup hésité avant d’apporter ma réponse mais l’absence du président de la République dimanche, à la manifestation contre l’antisémitisme, a fini de me convaincre de ne pas y participer“, indique t-il.

A l’adresse des absents, Emmanuel Macron a dénoncé mercredi une “faute politique majeure“.Utiliser le contexte que nous vivons, pour justifier une absence à une réunion de travail sur des réformes constitutionnelles, est absolument indigne de la part d’un dirigeant politique“, a déclaré le président lors d’une conférence de presse depuis Berne. D’abord surpris par la vive réaction du locataire de l’Élysée à sa défection, Éric Ciotti assume son bras de fer. “La réaction disproportionnée du président de la République révèle sa fébrilité. Il ne peut guère s’étonner de notre volonté de ne pas nous associer à un énième coup de communication“, juge Olivier Marleix, le chef de file des députés LR.

 

 

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