COP 28 : bilan de l’accord de Paris, énergies fossiles… Les enjeux d’une conférence pour le climat cruciale

La 28e conférence de l’ONU sur le climat (COP 28), qui s’ouvre ce jeudi pour deux semaines à Dubaï, s’annonce cruciale, alors que 2023 sera sans doute l’année la plus chaude, jamais enregistrée. Cette édition, qui fait polémique de par son hôte pétrolier va devoir s’accorder sur le premier bilan officiel de l’accord de Paris, et tenter de graver dans le marbre la fin des énergies fossiles.

Elle est annoncée comme la conférence de la dernière chance, après une année de records de températures et de catastrophes climatiques dans le monde. Quelque 70 000 politiques, acteurs du climat, lobbyistes et journalistes se retrouvent à Dubaï (Emirats arabes unis) à partir d’aujourd’hui pour 13 jours de négociations. La COP 28 réunira les 198 États et parties pays signataires de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC).

Au cours des trois décennies qui ont suivi le Sommet de Rio et le lancement de CCNUCC, la COP a convoqué chaque année les pays membres pour déterminer les ambitions et les responsabilités, et identifier et évaluer les mesures climatiques. La 21e session a abouti à l’Accord de Paris, qui a mobilisé une action collective mondiale pour limiter l’augmentation de la température mondiale à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels d’ici 2100, et pour agir pour s’adapter aux effets déjà existants du changement climatique.

Dubai : un choix qui fait polémique

Un pays climaticide et un président controversé

La COP 28 est organisée à Dubaï, plus grande ville des Émirats arabes unis, le cinquième plus gros émetteur de CO2 par habitant de la planète, avec 20,3 tonnes par habitant et par an, soit cinq fois plus que la France. Les Émiriens consomment aussi quatre fois plus d’eau que la moyenne mondiale. Sans parler des pistes de ski en intérieur ou des kilomètres de plages artificielles dans le pays, qui sont des aberrations écologiques.

Le choix du Sultan Al Jaber, ministre de l’Industrie des Émirats arabes unis, mais surtout PDG de la compagnie nationale de pétrole d’Abu Dhabi. pour présider l’événement, pose lui aussi question. Une décision pour le moins ironique lorsque l’on sait que les énergies fossiles contribuent grandement au changement climatique. D’autant plus que la BBC a révélé le 27 novembre que Sultan Al Jaber envisageait d’utiliser ces négociations sur le climat pour conclure des accords pour ses entreprises pétrolières.

Pour autant, ce choix est défendu par d’autres qui y voient l’occasion de parler concrètement de la transition énergétique. Dans son discours d’ouverture pré-COP, le Sultan Al Jaber a appelé à “l’unité, à l’action et au multilatéralisme. S’adressant aux 70 ministres et à plus de 100 délégués de pays présents, il a indiqué : “le monde doit faire plus et saisir l’opportunité pour agir et maintenir l’objectif de 1,5 à portée de main.“ Le président émirati de la COP28, se dit toutefois “prudemment optimiste sur le succès de la conférence sur le climat des Nations unies qui doit apporter de “bonnes nouvelles au monde.

Les grands enjeux

Un premier bilan de l’accord de Paris

Lors de cet COP 28 à Dubaï, les États feront le premier bilan mondial de l’accord de Paris sur le climat de 2015, qui devra être adopté formellement par consensus.  Ceci afin d’évaluer les “ lacunes“ des engagements climatiques de chaque pays et réfléchir à des solutions pour limiter le réchauffement “à l’horizon 2030 et après“, détaille l’ONU sur son site. Une perspective loin d’être simple.

Le rapport de l’ONU publié en amont de la COP conclut en effet que les engagements climatiques pris par les pays du monde entier à l’heure actuelle placent la planète sur une trajectoire de réchauffement allant jusqu’à 2,9 °C d’ici 2100. Cette publication fait aussi suite à un précédent rapport onusien, publié mi-novembre, qui concluait que les engagements des pays mènent à 2 % de baisse des émissions entre 2019 et 2030, au lieu des 43 % préconisés pour limiter le réchauffement à 1,5 °C. Pour éviter un scénario du pire, le secrétaire général des Nations Unies a réclamé, à quelques jours de la COP28 des “mesures spectaculaires, maintenant“. “Les dirigeants doivent redoubler d’efforts de façon spectaculaire, avec des ambitions records, des actions records, et des réductions des émissions records“,  a martelé Antonio Guterres.

Quelques jours avant le lancement de la 28e conférence de l’Onu sur le changement climatique (COP28), la France a elle aussi affiché ses inquiétudes.“Nous nous attendons à des négociations ardues parce que le sujet en lui-même est difficile et qu’il emporte aujourd’hui des conséquences tangibles pour de nombreux pays“, a indiqué l’Élysée. “La difficulté que nous aurons sera de faire une démonstration d’engagement collectif et de capacité à surmonter les divisions habituelles entre le nord et le sud, ou les pays aspirant à un développement plus rapide et ceux qui ont déjà réalisé leur développement“, estime la Présidence.

Graver dans le marbre la fin des énergies fossiles

Le sort des carburants fossiles sera à n’en pas douter une nouvelle fois au cœur des discussions. Quelques dizaines de pays parmi les 200 membres de la COP plaident pour la formulation d’un appel explicite à les réduire, ce qu’aucune COP n’a jamais réussi. Le charbon n’avait été cité pour la première fois qu’en 2021 à la COP26 de Glasgow. Et les ONG insistent pour que les engagements sur les fossiles soient contraignants. La présidence émiratie avance aussi plusieurs objectifs concrets à atteindre d’ici 2030 : tripler la capacité des renouvelables dans le monde, doubler l’amélioration de l’efficacité énergétique, doubler la production d’hydrogène

La France pour sa part a annoncé qu’elle portera plusieurs objectifs à la COP : le triplement des capacités renouvelables dans le monde d’ici 2030, le triplement des capacités nucléaires d’ici 2050, l’accélération de la fin des financements privés pour des centrales à charbon, la préservation des puits de carbone et la démonstration du lien entre lutte contre pauvreté et les engagements climatiques ou de biodiversité.

Des désaccords sur la “finance climat »

Les financements promis par les pays riches pour l’adaptation au changement climatique seront aussi au coeur de cette COP 28. L’enjeu est énorme, puisque le monde devrait connaître en 2023 son année la plus chaude jamais enregistrée. Or, selon les plus récents calculs de l’Onu, les engagements actuels des pays laissent prévoir une baisse des émissions de 2% entre 2019 et 2030, au lieu des 43% préconisés pour limiter le réchauffement à 1,5°C par rapport à la période pré-industrielle. Le réchauffement devrait atteindre entre 2,5° à 2,9°C au cours du siècle.

Autre sujet très sensible: la création d’un fonds pour les “pertes et dommages“ climatiques des pays les plus pauvres. La COP27, l’an dernier en Egypte, avait fini par en acter la création, au terme de vives tensions nord-sud. Un fragile compromis a été trouvé début novembre pour loger le fonds provisoirement à la Banque mondiale. Mais des questions cruciales sur le montant, les bénéficiaires restent encore à trancher à Dubaï, alors que, avec les conflits en Ukraine et en Israël-Palestine, le monde se divise déjà sur la situation géopolitique. Une réunion décisive sur le sujet en amont de la COP s’est soldée sur un constat d’échec, pays du Nord et du Sud n’étant pas parvenus à se mettre d’accord, selon des sources concordantes.

Les participants

Malgré un contexte international particulièrement tendu, de nombreux chefs d’États vont faire le déplacement, pour les premiers jours de la COP28, consacrés aux prises de paroles officielles des États. L’ONU a publié une liste de plus de 80 dirigeants qui prendront la parole.  Le président israélien, Isaac Herzog, et celui de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, doivent notamment s’exprimer chacun à la tribune de la COP28 , vendredi. Sont également entre autres annoncés, le président Volodymyr Zelensky (Ukraine), Rishi Sunak (Royaume-Uni), Emmanuel Macron (France), Recep Tayyip Erdogan (Turquie), le roi Hussein de Jordanie, l’émir du Qatar cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, William Ruto (Kenya) ou encore Luiz Inacio Lula da Silva (Brésil) et Olaf Scholz (Allemagne). Les représentants de plusieurs pays du Golfe feront également le déplacement, comme le prince saoudien Mohammed ben Salmane, l’émir du Qatar Tamim ben Hamad Al Thani, ou encore le roi du Bahreïn, Hamed ben Issa Al Khalifa.

Le roi Charles III se rendra lui aussi à la COP28 à Dubaï, où il prononcera le 1er décembre un discours en ouverture de la conférence sur le climat, a annoncé mercredi le palais de Buckingham. Le souverain de 74 ans, engagé de longue date pour l’environnement, sera présent à la cérémonie d’ouverture à l’invitation du Cheikh Mohamed Bin Zayed Al Nahyan, président des EAU, et à la demande du gouvernement britannique, selon le palais. Annoncé à Dubaï où il devait prononcer un premier discours très attendu le 2 décembre, le Pape François a du renoncer à se rendre à la conférence sur le climat, en raison des suites d’une inflammation pulmonaire, a annoncé le Vatican mardi 28 novembre.

L’absence de Biden : un signal négatif

Grand absent de la COP 28, Joe Biden ne fera pas le déplacement à Dubai. Après les critiques sur son absence, “Le président a demandé à la vice-présidente Harris d’assister à la COP28 en son nom pour montrer le leadership mondial des États-Unis sur le climat“, a déclaré mercredi la Maison Blanche, dans un communiqué. Kamala Harris se joindra vendredi et samedi à l’émissaire des États-Unis pour le climat, John Kerry, et à la délégation comprenant une vingtaine de responsables américains pour la conférence, précise la présidence américaine. Elle œuvrera à “renforcer la dynamique d’ambition mondiale à cet événement crucial“, a ajouté la Maison Blanche, indiquant que Joe Biden avait appelé plus tôt le président des Émirats arabes unis, Mohammed ben Zayed.

 

Le président russe Vladimir Poutine, ne devrait également pas faire d’apparition lors de ce sommet sur le climat. Aucune prise de parole officielle de la Russie n’est mentionnée sur la liste provisoire des discours fournie par les Nations unies.

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