C’est un moment incontournable et solennel qui permet d’imprimer un style, une méthode. Le Premier ministre, Gabriel Attal, prononce ce mardi après-midi sa déclaration de politique générale. Un exercice toujours très attendu, qui risque d’être particulièrement périlleux pour le nouveau locataire de Matignon, alors que la colère du monde agricole s’installe.
Trois semaines après sa nomination par Emmanuel Macron et à la tête d’un gouvernement toujours incomplet, Gabriel Attal montera à la tribune de l’Assemblée nationale à 15 heures, pour tenir sa déclaration de politique générale. Un exercice imposé pour tout nouveau Premier ministre, qui constitue la feuille de route de son gouvernement pour les mois à venir. À 34 ans, l’ancien ministre de l’Éducation nationale attendait beaucoup de ce rendez-vous solennel, percuté aujourd’hui par la crise agricole. À tel point que des responsables de l’exécutif ont soulevé la pertinence de le maintenir.
Ce discours sera simultanément lu au Sénat par le ministre de l’Économie, Bruno le Maire. Mais, par “grand respect“ et par “grande admiration“ pour le travail des sénateurs, le Premier ministre a annoncé qu’il se rendrait dans la foulée au Palais du Luxembourg, pour y prononcer une intervention distincte.
“Cette déclaration de politique générale, je souhaite la construire et la nourrir avec l’ensemble des forces représentées dans cet Hémicycle et au Sénat“ avait déclaré il y a quelques jours le chef du gouvernement, justifiant le temps pris entre sa nomination et sa déclaration par la volonté de “rencontrer l’ensemble des groupes représentés au Parlement, les forces vives de la nation, les organisations syndicales, les associations d’élus locaux“, ainsi que de se “rendre sur le terrain“ et d’avoir des “échanges très directs avec les Français“. Mais aujourd’hui, la multitude d’entretiens menés à son arrivée à Matignon par le nouveau chef du gouvernement est venue se heurter sur l’urgence d’une crise venue de loin. Au pied du mur, Gabriel Attal va désormais devoir convaincre.
Imposer un style, une méthode
Passage obligé et moment fondateur pour tous les Premiers ministres, la déclaration de politique générale devrait permettre à Gabriel Attal d’imposer un style, voire de transformer celui ci en méthode. Avant même le déclenchement de la crise agricole, le Premier ministre qui dispose d’un réseau politique limité et s’appuie sur un quatuor de conseillers qui le suivent depuis ses débuts – s’est fait fort de se montrer à l’écoute des élus, recevant tous les partis politiques et les forces vives et allant à la rencontre des Français au cours de nombreux déplacements dès sa prise de fonction, sur tous les thèmes.
Adoptant volontiers le vocabulaire de la droite la plus classiquement conservatrice – sur le travail, l’autorité, l’école – quitte à s’éloigner du macronisme originel, Gabriel Attal a esquissé un cap : celui de répondre aux attentes de la classe moyenne. Enfin, le discours de politique générale – qui durera une heure environ – devra montrer que la “méthode Attal“ est synonyme d’action rapide. Pour autant, le nouveau premier est toujours face à la même réalité politique que celle à laquelle était confrontée sa prédécesseure, Elisabeth Borne : l’absence de majorité absolue à l’Assemblée. Et comme l’ont montré ses premières passes d’armes dans l’hémicycle électrique du Palais Bourbon, les oppositions sont loin d’être tombées sous son charme.
Sa déclaration de politique générale est en outre bousculée par la crise agricole, même si cette dernière peut constituer une opportunité pour gagner en épaisseur politique. Cette crise majeure peut aussi permettre au premier ministre de livrer un discours de politique générale actant une nouvelle étape du quinquennat Macron, là où cela n’allait pas de soi. Enfin, elle peut avoir le mérite d’évacuer les premiers pas difficiles du gouvernement, bousculé par les polémiques à répétition déclenchées par la ministre de l’Éducation nationale, Amélie Oudéa-Castéra.
Quatre grands chapitres
Quatre chapitres seront détaillés par Gabriel Attal dans la lignée du cap fixé par Emmanuel Macron lors de sa conférence de presse du 16 janvier dernier : “l’autorité et le régalien“, “les services publics“, avec l’école et la santé, “le travail et l’emploi“ et “l’agriculture et l’écologie.“
Lors d’un déplacement ce dimanche dans une ferme au nord-est de Tours (Indre-et-Loire), le Premier ministre a lui même évoqué son grand oral, ébauchant “trois piliers“ qui devraient structurer sa déclaration : “le travail“, “les services publics“ et la “transition écologique“. Sur le premier volet, Gabriel Attal cible les classes moyennes, “ceux qui ne peuvent compter que sur leur boulot et ont le sentiment de ne rien recevoir en retour“. L’accès aux soins, l’éducation “mère des batailles“, la sécurité et l’autorité, seront eux les thèmes centraux de la partie sur les services publics. Au chapitre écologique, le Premier ministre a dit espérer “sortir des débats stériles entre croissance et climat“, promettant de bâtir “un nouveau modèle de croissance, car l’écologie crée des emplois.“
Des réponses à la crise agricole ?
La crise agricole sera sans surprise en filigrane du grand oral du Premier ministre. Le PM fera t-il des annonces ? Le chef du gouvernement devrait avoir des mots pour le monde agricole qui se dit écrasé par la paperasserie administrative et souffre de ne pouvoir vivre décemment de son travail. Mais selon les informations du Monde, Gabriel Attal devrait s’en tenir à un propos général pour répondre à la colère des agriculteurs, cet après-midi, lors de son discours. Aucune annonce détaillée et précise, faisant écho aux revendications des manifestants, n’est à attendre à cette occasion, alors que, depuis dimanche, Marc Fesneau, ministre de l’agriculture, déclarait que des annonces devaient être faites “dès mardi“. De “nouvelles mesures seront prises dès demain“ en faveur des agriculteurs, avait annoncé, lundi, la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, dans son compte rendu à la presse du conseil des ministres
#AgriculteursEnColere 🚜 la porte-parole du gouvernement @priscathevenot annonce que "de nouvelles mesures seront prises dès demain".
🗣“Il faut aller plus loin“, a-t-elle affirmé. Raison pour laquelle de “nouvelles mesures devraient être prises dès demain“ pic.twitter.com/lJmUBu89wP— L'Echiquier social (@EchiquierSocial) January 29, 2024
Autre volet sur lequel Gabriel Attal est très attendu: la promesse de simplification. Elle est réclamée de toutes urgences par les agriculteurs, mais plus largement par l’ensemble des chefs d’entreprises, qui veulent profiter de la fenêtre de tir pour en finir avec la surrèglementation et la surtransposition des directives.
Pas de vote de confiance
La décision avait été annoncée la veille par la porte-parole du gouvernement. Le Premier ministre l’a confirmé mercredi 17 janvier : il ne demandera pas de vote de confiance à l’issue de sa déclaration de politique générale. “Est-ce qu’il y a une majorité absolue à l’Assemblée nationale ? Non, nous le savons. Est-ce qu’il y a besoin d’un vote pour le démontrer ? Non, je ne crois pas non plus“, a-t-il déclaré au Sénat, lors de la séance de Questions au gouvernement.
🚨 La porte-parole du gouvernement @priscathevenot confirme ce mercredi à l'issue du conseil des ministres que le PM @GabrielAttal ne demandera pas la confiance du Parlement après son discours de politique générale annoncé le 30 janvier. pic.twitter.com/MMOu9elokl
— L'Echiquier social (@EchiquierSocial) January 17, 2024
Les députés de gauche ont toutefois déjà fait savoir qu’ils déposeraient une motion de censure. “Une motion de défiance, en quelque sorte“ a commenté, au micro de la chaîne parlementaire LCP, le premier secrétaire du Parti socialiste et député, Olivier Faure.
Gouvernement Attal : "Où est l'audace quand on n'ose même pas venir chercher une majorité à l'Assemblée nationale ?", demande @faureolivier.
Le premier secrétaire du PS promet une motion de censure si le gouvernement ne sollicite pas un vote de confiance.#DirectAN #QAG pic.twitter.com/N4GlW8EoP0— LCP (@LCP) January 17, 2024
Cette motion de censure signée LFI, écologistes, PC, PS, sera déposée mardi après-midi, même si les socialistes doivent encore l’acter. Elle n’a sur le papier aucune chance d’être adoptée. Le groupe Les Républicains n’ayant, sauf revirement, pas l’intention de la voter. Au-delà du fond politique du discours, c’est avant tout le fait que Gabriel Attal ne demande pas la confiance des députés que la gauche veut sanctionner. La Nupes compte en faire une “motion de défiance”. Elle table sur son examen dans l’hémicycle jeudi.