Nouvelle législature : l’Assemblée nationale fait peau neuve !

A partir de jeudi et pendant trois jours, les 577 députés élus ou réélus sont appelés à composer les instances du Palais Bourbon pour la législature à venir. Président, vice-présidents, questeurs, secrétaires, autant de postes stratégiques qui vont devoir être répartis entre les trois blocs politiques. Une mission qui s’annonce ardue, alors qu’aucun ne dispose d’une majorité nette.

C’est une nouvelle bataille qui s’engage à l’Assemblée nationale après les scrutins des 30 juin et 7 juillet. À la clé, la répartition des postes clés qui vont déterminer la physionomie de la législature à venir. Un scénario particulièrement ardu alors que le nouvel hémicycle issu des législatives anticipées est reparti en trois blocs, dont aucun ne dispose d’une majorité nette. Président, vice-présidents, questeurs, secrétaires. Mode d’emploi de la répartition de ces postes si convoités au Parlement.

Les députés entameront cette XVIIe législature par l’élection du successeur ou de la successeure de Yaël Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée nationale. Suivra le vendredi 19 juillet l’élection des membres du bureau : vice-présidents, questeurs et secrétaires. Les députés seront ensuite répartis au sein des huit commissions permanentes (lois, finances, affaires sociales, etc.) en proportion de l’effectif du groupe auquel ils appartiennent. La journée du 20 juillet sera enfin marquée par l’élection des présidents de ces huit commissions permanentes.

La présidence de l’Assemblée

Les députés nouvellement élus ou réélus vont siéger pour la première fois ce jeudi 18 juillet. Un bureau d’âge, comprenant le doyen des députés, assisté des six plus jeunes élus, présidera la première séance publique et procédera à l’élection du président de l’Assemblée nationale qui succédera à la présidente sortante.  À partir de 15 heures, chaque député se rendra à la tribune pour voter à bulletin secret. D’après le règlement de l’hémicycle, l’élection peut se dérouler en trois tours maximum. Au premier et au deuxième tour, une majorité absolue des suffrages exprimés est nécessaire. Au troisième, une majorité relative suffit pour être élu. En cas d’égalité, c’est le candidat le plus âgé qui devient le quatrième personnage de l’Etat. “C’est donc le plus gros groupe qui gagne“, détaille le constitutionnaliste Benjamin Morel. “Dans ces conditions, le RN est l’arbitre des élégances“, ajoute t-il.

La principale bataille politique tourne autour de la présidence de l’Assemblée nationale. Qui occupera le perchoir du Palais Bourbon ? “Le perchoir, c’est l’urgence“, puisqu’Emmanuel Macron veut “déterminer la couleur du futur gouvernement en fonction de cette élection“, expliquait il y a peu l’Insoumis Eric Coquerel.

En théorie, n’importe lequel des 577 députés élus peut se porter candidat à la présidence de l’Assemblée nationale. Mais dans les faits, le vainqueur est habituellement issu du groupe politique le plus important au sein de la majorité. L’issue de l’élection qui se déroulera dans une Assemblée divisée en trois blocs et sans majorité claire, s’annonce donc particulièrement incertaine. Elle va ainsi obliger les blocs politiques à se positionner. Le sujet a d’ailleurs été longuement abordé vendredi lors de la réunion à l’Elysée : “Si on arrive à former une coalition autour de nous pour faire élire un membre du bloc central à la présidence de l’Assemblée, alors cela voudra dire qu’on peut parvenir à faire une coalition gouvernementale“, a insisté Emmanuel Macron selon un participant à l’AFP. “Jeudi, avec l’élection du président de l’Assemblée nationale, nous saurons, de manière indiscutable, comment se répartissent les forces“, a aussi avancé François Bayrou dans Le JDD.

Braun Pivet, candidate à sa succession

Première à s’être déclarée, la présidente sortante, Yaël Braun-Pivet (Ensemble pour la République) est candidate à sa propre succession. Depuis la campagne des législatives anticipées, l’occupante actuelle du perchoir n’a cessé d’exprimer sa volonté de rempiler, faisant valoir que, forte de son expérience, elle pourrait “aider à faire en sorte que cette Assemblée, que les Français ont voulue, marche.“ Lors d’un déjeuner autour d’Emmanuel Macron lundi, les cadres du camp présidentiel avaient envisagé la tenue d’une primaire. Au final, Mme Braun-Pivet est la seule à se présenter. Elle a été désignée d’office candidate du groupe mardi soir, sans passer par un vote.

Reste que la tenante du Perchoir va devoir aller chercher des voix bien au-delà du camp macroniste pour espérer être réélue. Une équation compliquée, alors que le groupe Ensemble pour la République (EPR), désormais présidé par Gabriel Attal, peine à s’entendre avec ses alliés du MoDem et d’Horizons.

Cinq autres candidats officiels

Face à la présidente sortante, quatre autres candidats officiellement déclarés espèrent bien lui succéder à la présidence de l’Assemblée nationale. D’abord le candidat du Nouveau Front Populaire (NFP), fruit d’un accord lundi soir entre la France insoumise, le Parti socialiste, Les Ecologistes et le Parti communiste français, mais dont le nom n’a été dévoilé que mercredi en fin de journée. Après de longues tractations à huis clos, le député du Puy-de-Dôme et président reconduit du groupe GDR, André Chassaigne, qui a bénéficié du désistement de la candidate écologiste Cyrielle Chatelain a été désigné comme candidat commun de l’alliance de gauche. “Nous avons beaucoup réfléchi au profil du candidat du NFP. Le choix s’est porté sur ma personne“, a annoncé le communiste évoquant notamment le “critère d’ancienneté“ et sa “connaissance de l’institution.

Également en lice, l’ancienne vice-présidente de l’Assemblée nationale (2022-2024), Naïma Moutchou, a confirmé, mercredi, candidater au perchoir pour le compte du groupe Horizons, membre de la coalition présidentielle. Siégeant à l’Assemblée depuis 1993, le député centriste Charles de Courson, s’est aussi lancé dans la course, promettant d’être le “garant de son bon fonctionnement dans une période inédite et chaotique.“

De l’autre côté de l’hémicycle, Philippe Juvin a été préféré à la secrétaire générale des Républicains (LR), Annie Genevard, pressentie dans un premier temps, pour tenter de conquérir le perchoir. Le groupe La Droite républicaine a entretenu le suspense jusqu’au dernier moment, arrêtant sa décision lors d’une dernière réunion, jeudi 18 juillet au matin. Présenté comme l’un des plus  “Macron compatibles“ d’un groupe qui s’appelait encore Les Républicains (LR) il y a une semaine, la candidature du médecin urgentiste apparaît comme une monnaie d’échange du groupe de Laurent Wauquiez, pour négocier d’autres postes.

Enfin, disposant du plus grand groupe de députés dans l’Hémicycle (entre 120 et 130), bien qu’étant arrivé en troisième position derrière le NFP lors des législatives anticipées, le Rassemblement National (RN) a désigné mercredi Sébastien Chenu, qui sera candidat au moins “au premier tour“.

La répartition des postes du Bureau

Après l’élection du titulaire du perchoir, les députés devront choisir dès le vendredi 19 juillet, la composition du bureau, qui représente la plus haute autorité collégiale de l’Assemblée nationale. L’instance  a “tous pouvoirs pour régler les délibérations de l’Assemblée et pour organiser et diriger tous [s]es services“. Elle doit, par exemple, apprécier la recevabilité financière des propositions de loi des députés, et fait évoluer le règlement intérieur ou l’interprète en proposant parfois des sanctions contre certains élus. Le bureau comprend 22 membres :

  • Le président ou la présidente de l’Assemblée nationale, élu pour la durée de la législature, c’est-à-dire pour cinq ans, sauf en cas de dissolution.
  • Six vice-présidents, qui peuvent remplacer le président de l’Assemblée nationale dans certaines de ses prérogatives, notamment pour présider les séances. Il est d’usage que le premier vice-président soit issu d’un groupe d’opposition.
  • Trois questeurs, dont un est traditionnellement issu de l’opposition. Ils sont en charge des “services financiers et administratifs“ de l’Assemblée et “aucune dépense nouvelle ne peut être engagée sans leur avis préalable“.
  • Douze secrétaires, dont le rôle est notamment de surveiller les opérations de vote et de dépouiller certains scrutins.

Après une réunion à 10 heures des présidents des groupes pour procéder à la répartition des postes, une séance publique à partir de 15 heures, permettra de procéder à la nomination des membres du Bureau. En cas d’absence de consensus sur les candidats, ces nominations pourront avoir lieu par scrutin, comme cela avait été le cas en 2022. Puis les députés seront répartis au sein des huit commissions permanentes (lois, finances, affaires sociales, etc.) en proportion de l’effectif du groupe auquel ils appartiennent.

Les postes au sein du bureau sont répartis à la proportionnelle des groupes de l’Assemblée. Chaque groupe reçoit ainsi un nombre de points en fonction de son importance dans l’hémicycle et chaque poste du bureau en “coûte“ un certain nombre : 4 points pour la fonction de président, 2 pour celle de vice‑président, 2,5 pour celle de questeur, 1 pour celle de secrétaire, détaille le règlement de l’Assemblée nationale.

L’un des trois questeurs, membres de l’opposition 

Parmi les trois questeurs, l’un d’entre eux doit obligatoirement appartenir à l’opposition, quand les deux autres doivent être issus de la majorité. “Aujourd’hui c’est impossible de savoir qui est la majorité ou qui est l’opposition. Juridiquement, au sens strict du règlement, le groupe qui a plus de députés est le groupe majoritaire. C’est donc le Rassemblement national“ analyse le constitutionnaliste Benjamin Morel. Car si “en théorie, les quatre gauches pourraient s’associer, ils ne vont pas faire de groupe commun. Le NFP, c’est un intergroupe, ce qui n’existe pas en tant que tel en droit parlementaire.“  “Cette règle a été conçue quand on était persuadé d’être dans une bipartition immuable du champ politique français», poursuit-il. Et de conclure : “La composition du bureau va être un véritable casse-tête dans ces conditions.“

Élection à la présidence des commissions

Une fois le bureau constitué, les présidents de groupe répartiront, samedi, leurs troupes dans huit commissions permanentes : finance, affaires culturelles, économiques, étrangères, sociales, défense nationale, développement durable et lois. Les sièges en commission sont répartis proportionnellement aux effectifs de chaque groupe, puis les présidents de ces huit commissions permanentes seront élus. L’une d’elles retient particulièrement l’attention, celle des finances, pour laquelle le règlement de l’Assemblée prévoit que sa présidence revient à l’opposition. Mais là encore, comment faire sans majorité claire ? Dans le scénario où le RN est déclaré majoritaire, un de ses membres pourrait tout à fait faire valoir qu’il appartient dans les faits à l’opposition, puisque opposé au gouvernement et marginalisé par les autres groupes. “Ça va donc être une semaine pleine d’incertitudes“, tranche Benjamin Morel.

 

 

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