Nomination d’un Premier ministre : les grandes manoeuvres débutent à l’Élysée

Plus d’un mois après les élections législatives nées de la dissolution, Emmanuel Macron reçoit vendredi les chefs de file du NFP et leur candidate ainsi que les représentants du camp présidentiel, puis dans la foulée lundi 26 août, Marine Le Pen, Jordan Bardella et Eric Ciotti. Objectif : la nomination d’un nouveau Premier ministre. Sur la table, l’option Lucie Castets rejetée par le chef de l’État, mais maintenue par les quatre composantes de l’alliance de gauche. En lice également, plusieurs profils, plus ou moins crédibles.

La France va t-elle connaître (enfin) le nom de son nouveau Premier ministre, plus de six semaines après le second tour des législatives. Après la trêve olympique et un “travail de décantation“, selon les termes de l’Élysée, les présidents de groupes parlementaires et les chefs de partis représentés au Parlement sont conviés à “une série d’échanges“ ce vendredi 23 août. Dans le détail, les représentants du camp présidentiel (Renaissance, Horizons, MoDem, Parti radical), de l’UDI, des Républicains (LR) et du groupe centriste Liot seront reçus à partir de 10h30. Dans un second temps, lundi 26 août, ce sera le tour des dirigeants du Rassemblement National (RN), Marine Le Pen et Jordan Bardella et dans la foulée, du patron de LR Éric Ciotti et de son micro-parti “Les Républicains à droite“, a indiqué l’Élysée.

Après l’objectif de rechercher une “majorité la plus large et la plus stable“ fixé par Emmanuel Macron en juillet, ces consultations ont pour but “de savoir dans quelles conditions les forces politiques peuvent atteindre cet objectif“. “La décision de nomination du ou de la première ministre sera prise en considération de ces deux critères-là“, a expliqué l’Élysée, qui a confirmé, jeudi 22 août, la nomination d’un premier ministre “très rapidement“,  dans la foulée de ces échanges.

Lucie Castets à Matignon ?

La gauche unie au sein du Nouveau Front populaire (NFP), se prévalant du plus gros contingent avec 193 députés, met la pression sur le président pour nommer à Matignon la haute fonctionnaire Lucie Castets. Le NFP (Parti socialiste, La France insoumise, Les Ecologistes et Parti communiste français), convié en premier par le président de la République en raison de son arrivée en tête aux législatives, se rendra groupé à cette invitation et accompagné de Lucie Castets a annoncé le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard. Emmanuel Macron s’est dit, prêt à la recevoir. “Le président ne s’y oppose évidemment pas si c’est une demande collective et que les forces politiques du NFP jugent que c’est utile pour que l’échange soit constructif“, a indiqué un membre de son entourage.

Une option écartée par Emmanuel Macron

La piste Castets a cependant été balayée dès le 23 juillet par Emmanuel Macron, pour qui “la question n’est pas un nom. La question, c’est quelle majorité peut se dégager à l’Assemblée“. Malgré cette fin de non-recevoir, le NFP a envoyé la semaine passée des signaux d’ouverture sur son programme pour tenter d’élargir son socle de soutiens afin d’envoyer sa représentante à Matignon. Lundi 12 août, la haute fonctionnaire de 37 ans a adressé un courrier aux parlementaires non-RN pour expliquer notamment que sa famille politique entendait “convaincre au-delà des rangs du NFP pour construire des majorités parlementaires“.

Dans une interview à “Libération“, tout en exposant sa volonté de trouver des consensus sur plusieurs sujets, notamment sur des questions de fiscalité, elle estime que “l’immobilisme a duré trop longtemps“, plus d’un mois après la démission du gouvernement de Gabriel Attal. Dans une lettre publiée ce jeudi 22 août, la candidate du Nouveau Front populaire à Matignon et les représentants de l’union de la gauche ont affirmé une fois de plus leur capacité à gouverner. À la veille de sa rencontre avec Emmanuel Macron, plus que jamais déterminée à accéder à Matignon, Mme Castets a adressé un courrier aux Français, pour dénoncer “l’inaction du président de la République“ qualifiée par elle de “grave et délétère“. Un message adressé selon ce courrier, “aux électeurs qui se sont mobilisés massivement“ autour du NFP, et à ceux “qui n’ont pas voté pour nous, comme à ceux qui n’ont pas voté du tout“.

Qualifiée de “coup de force“ par le RN 

La cheffe de file des députés Rassemblement national Marine Le Pen a fustigé la venue de Lucie Castets, candidate de la gauche pour Matignon, aux consultations du 23 août à l’Élysée, dénonçant  “un coup de force“. “A quel titre Lucie Castets prétend participer à la réunion de vendredi à l’Élysée concernant les chefs de parti et les présidents des groupes parlementaires à l’Assemblée nationale et au Sénat ?“ s’interroge sur X  la leader historique du RN, au sujet de la haute-fonctionnaire.

Qui prend des airs de mission impossible

Pour autant, plus les jours filent, plus les responsables du Nouveau Front populaire (NFP) savent que la nomination de Lucie Castets comme première ministre prend des airs de mission impossible. “Tout le monde sait que c’est mort, mais nous nous devons de maintenir la pression sur Emmanuel Macron puisque nous sommes arrivés en tête“ explique une parlementaire socialiste. “Il faut se rendre compte du déni de démocratie que cela représente. Les Français ont voté pour un changement de cap et ils vont se retrouver avec la même politique “, embraie un responsable écologiste. En attendant, Lucie Castets ne ménage pas ses efforts pour apparaître comme la plus légitime des “premières ministrables“. “Je ne sais pas à quoi Emmanuel Macron joue… J’ai hâte que la cohabitation commence“, a-t-elle affirmé au journal La Marseillaise .

La contre-offensive de LFI

Les noms de Bernard Cazeneuve, Valérie Pécresse ou Xavier Bertrand ont été notamment mentionnés ces derniers jours. Des options loin de satisfaire les membres de La France Insoumise. Ceux-ci invoquent donc l’article 68 de la Constitution, qui permet au Parlement de destituer le président pour “manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat.“ Dans un texte publié dans La Tribune Dimanche, LFI menace d’engager une procédure de destitution contre Emmanuel Macron, accusé de “coup de force institutionnel contre la démocratie“ pour son refus “de prendre acte“ du résultat des élections législatives de juillet. “Nous donnons à cette tribune un rôle concret d’avertissement solennel“, écrivent les cosignataires, dont font partie le leader des Insoumis Jean-Luc Mélenchon, le coordinateur du parti Manuel Bompard ou encore la patronne des députés LFI Mathilde Panot. Emmanuel Macron “doit savoir que seront utilisés tous les moyens constitutionnels de le démettre plutôt que nous soumettre à son mauvais coup contre la règle de base de la démocratie : en France, le seul maître est le vote populaire“, insistent-ils.

Le patron du Parti socialiste Olivier Faure a immédiatement écarté l’hypothèse d’un soutien du PS à la menace d’une procédure de destitution d’Emmanuel Macron, brandie par La France insoumise, estimant dimanche préférer la “censure“, si le président refusait de nommer un Premier ministre issu de la gauche.

Concrètement, la mise en œuvre de l’article 68 de la Constitution n’a aucune chance d’aboutir, au regard des équilibres politiques actuels. Au-delà de la faisabilité de la procédure, ce sont surtout les conséquences politiques de la démarche que socialistes, écologistes et communistes (PCF) craignent, à quelques jours d’un rendez-vous crucial avec Emmanuel Macron, en compagnie de Lucie Castets.

Ils sont donnés favoris pour Matignon

Plusieurs profils, plus ou moins expérimentés, semblent être dans la course à Matignon. Ces dernières semaines, Emmanuel Macron a laissé circuler les rumeurs avec gourmandise. Les noms de Bernard Cazeneuve, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse ou encore  Karim Bouamrane, maire socialiste de Saint-Ouen, ont notamment été cités.

Les Insoumis ont ouvert un nouveau front hier en accusant le PS d’être prêt à soutenir l’hypothèse Bernard Cazeneuve à Matignon.  Selon Le Monde, le sujet a été évoqué lors d’une réunion de groupe des députés PS vendredi dernier, sans susciter d’opposition. D’après le député Arthur Delaporte, Cazeneuve bénéficie, certes, “de l’estime de certains socialistes“, mais “cristallise les tensions chez d’autres, à gauche“. “Ce n’est pas une solution qui est possible pour les écologistes”, a tranché sur Franceinfo la cheffe des Ecologistes Marine Tondelier, citant “La gestion catastrophique du dossier de Sivens”“et “la mort de Rémi Fraisse“ en 2014. Lucie Castets a elle aussi rejeté l’hypothèse : “Je ne vois pas sur quel mandat Bernard Cazeneuve pourrait gouverner“, a t-elle déclaré. Si l’ancien Premier ministre de François Hollande correspond davantage à la fiche de poste que Xavier Bertrand, il n’est pas demandeur. L’intéressé déclare d’ailleurs ne pas avoir été directement sollicité par Emmanuel Macron.

Si au jeu des pronostics pour Matignon, le nom de Karim Bouamrane, très critique de La France insoumise, est l’un des plus cités du moment, le maire socialiste de Saint-Ouen assure ne pas avoir eu de contacts avec l’Elysée, tout en rappelant rappelle qu’il a toujours été sur une ligne de “main tendue“ avec “toutes les forces politiques“ de sa ville.

À ce stade, personne ne peut prétendre tenir sérieusement la corde. Emmanuel Macron “sait que le profil [de Premier ministre] qu’il cherche n’existe pas et qu’il va falloir le fabriquer“, exposait à Playbook un ministre (démissionnaire) ayant échangé avec le chef de l’Etat. Autrement dit, quel qu’il soit, le Premier ministre ne pourra résoudre à lui seul l’équation politique née des législatives. Il lui faudra un gouvernement qui lui garantisse une majorité à l’Assemblée. Or, la construction de cet équilibre ne se fera pas en un claquement de doigts. Emmanuel Macron devrait donc nommer les membres du gouvernement après les Jeux paralympiques (qui se terminent le 8 septembre), assurait cette même source.

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