L’Ukraine entre ce lundi dans sa quatrième année de guerre à grande échelle contre l’armée russe sans savoir si elle peut encore compter sur le soutien de son plus précieux allié, les Etats-Unis, avec des troupes épuisées face aux assauts répétés des forces russes. Tour d’horizon de la situation.

Ce lundi 24 février 2025 marque le troisième anniversaire de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, conflit qui remonte en réalité à février 2014, point culminant de la révolution de Maïdan suivi de l’annexion illégale de la Crimée et du déclenchement de la guerre dans le Donbass. Depuis le 24 février 2022, Kiev résiste à l’invasion russe, mais au prix de l’occupation de près de 20 % de son territoire, de lourdes pertes humaines, de plusieurs millions de réfugiés, de destructions d’infrastructures et d’une crise économique.
L’année écoulée a surtout été marquée par l’offensive de Kiev, lancée en août 2024 dans l’oblast de Koursk, en Russie. Depuis, l’armée russe a reconquis une grande majorité de ce territoire, mais l’incursion ukrainienne n’est pas négligeable.

Sur le champ de bataille, une nouvelle arme a fait son apparition : l’usage des drones qui se révèle décisif. Kiev a, dès 2022, largement misé sur le développement de cette industrie, et a acquis une certaine supériorité en la matière. En octobre 2024, le président, Volodymyr Zelensky, affirmait que son pays était capable de produire “4 millions“ de drones par an.
Des changements mineurs sur le terrain
L’armée russe occupe actuellement 18,2 % du territoire ukrainien – en comptant la Crimée, annexée depuis 2014, et les territoires séparatistes de l’est du pays, qui représentaient déjà 7 % dudit territoire – contre 17,6 % en décembre 2022. Le front reste globalement figé, mais les combats à haute intensité se poursuivent, au prix de pertes matérielles et humaines très lourdes. Dans la nuit de samedi à dimanche, la Russie a ainsi frappé l’Ukraine avec sa plus grande attaque de drone depuis le début de l’invasion à grande échelle, lancée le 24 février 2022, a déclaré un porte-parole de l’armée de l’air du pays. Ce graphique représente, de janvier 2022 à janvier 2025, le pourcentage des 603 550 km² de territoire ukrainien occupé par la Russie et celui contrôlé par Kiev.
Une faible progression des forces russes
Le début de l’année 2025, comme celui de 2024, a vu se produire des changements mineurs : l’armée russe a progressé, en grignotant la ligne de front. Les forces russes ont continué à subir de lourdes pertes en janvier 2025, malgré un rythme de progression plus lent par rapport aux mois précédents de fin 2024. Le ministère ukrainien de la Défense (MoD) a rapporté le 3 février que les forces russes avaient subi 48 240 pertes – plus de trois divisions de fusiliers motorisés russes – en janvier 2025, faisant de janvier le deuxième mois de pertes le plus élevé depuis l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Les chiffres disponibles suggèrent que les forces russes ont subi environ 96 pertes par kilomètre carré de territoire saisi. Le ministère ukrainien de la Défense a indiqué que les forces russes avaient subi 48 670 pertes en décembre 2024 – leur taux de pertes mensuel le plus élevé depuis le début de l’invasion à grande échelle de la Russie – et l’ISW a estimé que les forces russes avaient gagné un total de 593 kilomètres carrés en décembre 2024. La diminution d’environ 100 kilomètres carrés du territoire conquis entre décembre 2024 et janvier 2025, associée à un taux de pertes mensuel similaire, indique que les forces russes subissent le même niveau élevé de pertes malgré une progression territoriale moindre à court terme
Poutine déclare vouloir renforcer encore son armée
A la veille de la date du troisième anniversaire de l’invasion de l’Ukraine, le président russe, Vladimir Poutine, s’est exprimé dimanche dans une vidéo publiée par le Kremlin à l’occasion de la Journée des défenseurs de la patrie en Russie. Le président russe a affirmé avoir une volonté “inchangée“ de renforcer son armée : “Aujourd’hui, dans un contexte de changements rapides dans le monde, notre stratégie de renforcement et de développement des forces armées reste inchangée“, a t-il déclaré. “Nous continuerons à améliorer les capacités de combat de l’armée et de la marine, leur préparation au combat en tant que composante essentielle de la sécurité de la Russie [et] garantie de sa souveraineté présente et future“, a ajouté le maître du Kre.
Des pertes humaines difficiles à estimer
Kiev et Moscou ont depuis le début du conflit, soigneusement évité de révéler la véritable ampleur des pertes humaines, et ont fourni des données très parcellaires à ce sujet. Le Kremlin a ainsi annoncé 5 937 morts russes en septembre 2022 et n’a, depuis lors, plus communiqué de chiffres. Quant à Volodymyr Zelensky, il a déclaré, en décembre 2024, qu’environ 43 000 soldats ukrainiens avaient perdu la vie depuis le début de la guerre. Différentes estimations permettent toutefois d’estimer ces pertes humaines, très lourdes chez les militaires, comme chez les civils. D’après une estimation des cercles militaires ukrainiens, rapportée en septembre 2024 par le Wall Street Journal, les morts parmi les forces de Kiev s’élèveraient, depuis février 2022, à environ 80 000 (pour 400 000 blessés). Du côté russe, il y aurait 200 000 soldats morts et environ 400 000 blessés. La chaîne britannique, la BBC et le média russe en exil Mediazona font pour leur part, état d’au moins 93 000 morts , plus probablement autour de 120 000, selon leurs propres estimations.
2025 : une année décisive
L’idée de mettre en place un processus de négociations fait de plus en plus son chemin, mais la perspective d’une paix juste paraît encore incertaine. L’ouverture de pourparlers, le 18 février dernier, entre les Etats-Unis et la Russie exclut pour le moment toute participation de l’Ukraine dans les négociations, alors que les tensions montent entre Kiev et Washington. Donald Trump Donald a multiplié les saillies envers Volodymyr Zelensky, accusant Kiev d’être à l’origine de la guerre et traité son homologue ukrainien de “dictateur“.
Des pourparlers “sur l’Ukraine sans l’Ukraine“
Emmenées par le secrétaire d’Etat américain, Marco Rubio, et son homologue russe, Sergueï Lavrov, les délégations américaine et russe se sont entendues le 18 février, en Arabie saoudite, pour établir un “mécanisme de consultation“ bilatéral, pour régler les contentieux entre les deux pays. Les Ukrainiens et les Européens redoutent d’être mis à l’écart d’un accord de règlement du conflit négocié directement entre la Russie de Vladimir Poutine et les Etats-Unis de Donald Trump. Volodymyr Zelensky, qui s’entretenait de son côté à Ankara avec le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a dénoncé des pourparlers “sur l’Ukraine sans l’Ukraine“ et a réclamé des pourparlers “équitables“ qui incluent l’Union européenne, le Royaume-Uni et la Turquie. “Il y a quelques jours, Trump m’a parlé de sa conversation avec Poutine“, a raconté M. Zelensky à la tribune. Pas une fois il n’a mentionné le fait que l’Amérique avait besoin de l’Europe autour de la table. Cela en dit long », a t-il indiqué.
Face à l’accélération de la diplomatie trumpienne, à la tentation américaine de sacrifier l’Ukraine et de mettre à l’écart le continent européen, Emmanuel Macron a multiplié les initiatives, réunissant successivement en urgence deux mini sommets sur l’Ukraine et la sécurité européenne. Sur fond de dissensions européennes quant au règlement du conflit en Ukraine, le président français sera ce lundi à Washington, pour rencontrer Donald Trump. Il y sera suivi quelques jours plus tard, par le Premier ministre britannique, Keir Starmer.