Budget 2025 : le volet “recettes“ recalé en commission, prélude à un débat houleux en séance

Largement remaniée en commission après quatre jours de débat, et l’examen de quelques 200 amendements, la partie “recettes“ du budget pour 2025 a été rejetée samedi 19 octobre en commission des finances. A partir de ce lundi, c’est la version initiale du texte, qui sera débattue dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Mettant de fait, le gouvernement au pied du mur.

C’est un texte méconnaissable, très loin de la version d’origine du gouvernement, qui a été soumis samedi au vote des députés de la commission des finances de l’Assemblée nationale. Passée à la moulinette, la première partie du budget 2025 consacrée aux recettes de l’Etat, était méconnaissable : un quart des 41 articles examinés ont été supprimés ou rejetés, dont certains emblématiques comme les hausses de taxe sur l’électricité ou le gel des ressources des collectivités locales. Largement réécrit au travers de l’adoption de près de 200 amendements qui ont modifié en profondeur l’équilibre financier du texte, la partie “recettes“ du budget a été rejetée par 29 voix contre 22.

Un vote, sans conséquence à ce stade. A partir de lundi soir, comme le veut la procédure législative pour le budget, c’est la version initiale de la partie “recettes“ du projet de loi de finances, soit celle du gouvernement, qui sera débattue dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Quelque 3 496 amendements ont été déposés par les 11 groupes. Au rayon du groupe le plus prolifique, la Droite Républicaine (DR, ex-LR) qui en totalise 728, suivi d’Ensemble pour la République (EPR) qui en compte 516.

Seule la gauche a voté pour

Seuls les quatre groupes du Nouveau front populaire (NFP) ont voté “pour“  la version du texte élaborée en commission. Le Rassemblement National (RN) et ses alliés, le camp présidentiel et les centristes de LIOT, ayant voté contre, en raison d’une augmentation excessive de la charge fiscale par rapport au texte initial.

Depuis le coup d’envoi des débats, mercredi 16 octobre, les députés de gauche avaient réussi à faire adopter de nombreuses mesures fiscales chiffrées à 50 milliards de recettes supplémentaires » par rapport au texte initial, a indiqué le président de la commission des finances, Eric Coquerel. Ces votes ont été possibles tantôt avec le concours du Modem (par exemple sur la flat taxe) ou du groupe Les Démocrates, voire avec le soutien du groupe LIOT. Dans certains cas, ils ont été rendus possibles, grâce au renfort du Rassemblement national. Au fil de votes à géométrie variable, différents blocs se sont mêlées ou opposées, sans que le résultat final ne parvienne toutefois à dégager une majorité. Ainsi, si ces groupes ont pu trouver des terrains d’entente sur telle ou telle mesure, les députés de la coalition gouvernementale et de LIOT ont rejeté ce budget remanié, en raison du grand nombre de hausses d’impôts votées. Même sentence de la part de l’extrême droite qui a voulu sanctionner “ l’attitude du gouvernement et des partis de la majorité qui (…) ne veulent rien négocier “, a expliqué le président délégué du groupe RN à l’Assemblée, Jean-Philippe Tanguy.

“ Cette commission s’est transformée en véritable carnaval fiscal “ a pour sa part estimé David Amiel (Ensemble pour la République). “ Cette boucherie fiscale ferait immédiatement basculer la France dans la récession et dans la crise “ a-t-il considéré, pointant “l’alliance entre le Nouveau Front populaire et l’extrême droite “ et indiquant que les membres de son groupe voteraient “contre“ le texte de la commission qu’il a qualifié de “budget Frankenstein“.

Sur la même ligne, la députée Horizons, Félicie Gérard, a critiqué un budget “totalement dénaturé“, quand Jean-Paul Matteï (Les Démocrates), à l’initiative de plusieurs amendements de recettes fiscales soutenus par la gauche, a déploré au final un manque d’“équilibre“ qui ne serait pas “sain pour notre économie“.

Le RN ne votera pas la motion de rejet de la gauche

Cet épisode augure d’un feuilleton budgétaire qui devrait être particulièrement acharné, dans une Assemblée nationale sans véritable majorité. Le groupe de La France insoumise a préparé une motion de rejet de la copie gouvernementale, dont l’examen commencera dans l’hémicycle lundi. L’adoption d’une telle motion interromprait les débats sur le texte, mais nécessiterait a priori le concours des voix de toute la gauche et d’au moins une partie des députés RN. “On ne votera pas la motion de rejet (…) parce que c’est faire un cadeau à Michel Barnier“ a déclaré dimanche, sur BFMTV, le président délégué du groupe RN à l’Assemblée nationale Jean-Philippe Tanguy.

Une mise en garde de l’exécutif

Avec l’adoption des amendements du Nouveau Front populaire (NFP), “qui ne s’articulaient même pas entre eux, le texte était devenu insoutenable“, déplore dans le Journal du dimanche (JDD) le premier ministre, Michel Barnier. “ Dans le cadre du débat parlementaire, nous serons attentifs aux amendements qui préservent ou améliorent la compétitivité et, plus largement, l’activité économique. Car il faut que les choses soient claires : l’effort dont chacun doit prendre sa part ne peut pas se transformer en concours Lépine fiscal “, prévient le chef du gouvernement, alors que, dès lundi, les députés reprendront les débats dans l’hémicycle sur la base du projet de budget originel du gouvernement.

Dans cet entretien, le locataire de Matignon s’oppose à la pérennisation des alourdissements temporaires d’impôts qu’il préconise : “ Je ne veux pas qu’on alourdisse la fiscalité au-delà de l’effort temporaire que nous avons demandé à certaines grandes entreprises et aux contribuables les plus aisés. Et je m’engage à ce qu’aucune taxe temporaire, dictée par les circonstances, ne devienne permanente“, annonce t-il. Le projet de M. Barnier prévoit une durée maximale de deux ans pour ces taxes exceptionnelles, alors que certains de ses alliés, au MoDem, sont partisans de les rendre permanentes.

Une adoption via le 49.3 ?

Avant la commission, les ministres de Bercy avaient promis de compléter leur texte par amendements, avec notamment une hausse de la taxe sur les billets d’avion et une extension du prêt à taux zéro dans l’immobilier. Mais vu le nombre et l’ampleur des modifications votées depuis mercredi, la question d’un passage en force dans l’hémicycle via l’arme du 49.3 pourrait vite se poser, afin d’éviter une nouvelle série de déconvenues. Dans son entretien au JDD, le premier ministre indiqué qu’il souhaitait que le débat parlementaire se développe, mais n’a pas exclu une adoption sans vote, via l’article 49.3 de la Constitution. “En cas de blocage parlementaire, retarder l’adoption du budget pourrait paralyser l’action publique, compromettre la gestion des finances de l’État et mettre en danger la crédibilité financière de la France. Le 49.3 permet ainsi d’éviter un blocage“ , déclare t-il.

L’autre stratégie évoquée porte le petit nom d’un article de la Constitution : l’article 47, qui indique que “si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de quarante jours après le dépôt d’un projet, le gouvernement saisit le Sénat qui doit statuer dans un délai de quinze jours.“ Dit autrement, le gouvernement pourrait être tenté de faire durer les débats pour que le texte, non adopté passé 40 jours, soit envoyé au Sénat où la majorité lui est bien plus favorable. En conséquence, “l’AN se priverait de débattre de la partie dépenses“. Un scénario que ne confirmait pas Matignon hier soir, l’entourage du chef du gouvernement préférant botter en touche en s’en tenant au “pari de la responsabilité“ des députés.

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