Conseil National de Refondation : une instance largement boudée

Créé par Emmanuel Macron, pour associer politiques, associatifs, syndicats et citoyens aux grands chantiers du quinquennat, le CNR peine à convaincre à quelques jours de son lancement officiel, jeudi 8 septembre. Côté politique, la proposition aux “contours incertains“ , ne séduit pas. Un sentiment partagé par la plupart des acteurs de cette instance rédigée en “coup de com“. Que sait-on de ce nouvel outil ?

Après le Grand Débat ou encore la convention citoyenne,  Emmanuel Macron avait annoncé sa création le 19 juin dernier . À la rentrée, “nous aurons aussi le chantier de l’école, de la santé, de nos grands services publics, avec ce dialogue qu’on lancera dès le Conseil national de la refondation du 8 septembre“, avait indiqué le président depuis Bormes- les-Mimosas (Var).

Ce lancement en grande pompe aura lieu ce jeudi, à Marcoussis, dans l’Essonne, depuis le centre d’entraînement de l’équipe de France de rugby. Un choix symbolique, censé illustrer l’esprit voulu par l’exécutif.  “C’est un haut lieu du rugby qui montre l’esprit collectif, l’esprit d’ouverture et les valeurs qui sont celles du rugby“,  a justifié le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, invité sur France Info mardi 30 août.

Des contours incertains

L’annonce d’un nouvel outil de concertation avait été évoquée début juin par le président, dans un entretien avec la presse régionale. Emmanuel Macron avait alors parlé d’une instance censée réunir, au lendemain des législatives, les forces politiques, économiques, sociales et associatives du pays, ainsi que des citoyens tirés au sort, pour lancer des réformes. L’ambition fixée par le chef de l’État pour ce CNR était qu’il soit l’outil à travers lequel la première ministre Élisabeth Borne puisse faire “vivre“ l’action gouvernementale. Depuis cette annonce, peu d’informations ont fui sur les contours de ce Conseil de la refondation, qui apparaissent de plus en plus incertains au fur et à mesure qu’ils se dévoilent.

Quels grands thèmes ?

Le but de ce CNR est de poser un diagnostic commun, de partager les contraintes, de s’accorder sur la méthode et un calendrier. Il interviendra en amont du travail législatif et en aval, sur la mise en œuvre“, a expliqué Elisabeth Borne, lors de sa conférence de presse du 31 août. La Première ministre a apporté quelques précisions, au terme du séminaire gouvernemental de rentrée . “Le président de la République lancera la semaine prochaine le Conseil national de la refondation“. “Cinq thèmes y seront retenus : le bien vieillir, le plein emploi, l’école, la santé et la transition écologique“, avait t-elle alors précisé. “Chaque ministre en charge d’un de ces thèmes devra ensuite poursuivre la réflexion en CNR thématique. Pour chaque thème, les acteurs concernés seront conviés. Les prochains CNR en format global se réuniront sous ma présidence“, avait ajouté la locataire de Matignon.

Quelle direction ? Quels participants ?

L’actuel haut-commissaire au Plan, François Bayrou, entouré de huit collaborateurs, aura la charge d’organiser cette nouvelle instance , sous la responsabilité de la Première ministre. “J’ai toujours défendu cette idée selon laquelle il faut trouver des zones de consensus pour faire avancer un certain nombre de diagnostics qui n’avancent jamais“,  a expliqué le chef de file du Modem, se disant  “prêt à aider par tous les moyens pour garantir la bonne tenue de cette démarche et pour que personne ne se sente instrumentalisée.“

Côté participants, “une cinquantaine d’acteurs représentatifs de notre société“, ont été conviés par Elisabeth Borne à participer à cette instance, censée réunir des responsables politiques, des syndicats, des associations et des citoyens autour de grands sujets de réforme. Nombre d’entre eux ont toutefois d’ores et déjà décliné l’invitation.

La politique de la chaise vide chez les politiques

A quelques jours de son installation, le CNR semble voué à ne réunir qu’un petit carré de soutiens du président. Hors de la macronie, les cartons d’invitation à l’inauguration n’ont pas en effet causé au sein de la classe politique, que des fins de non-réception. Jusqu’à faire l’unanimité sur les bancs de l’opposition, de gauche, comme de droite.

Un risque de confusion” et des incertitudes, pour la droite

Ils ont été clairs, ils n’en veulent pas, ils n’iront pas. A droite comme à l’extrême droite, même politique de la chaise vide. Le RN ne participera pas au CNR. Les LR n’en veulent pas. C’est le président du Sénat, qui a ouvert le bal des annulations. Dans un courrier de démocratie traduit le 26 août dernier au chef de l’État, Gérard Larcher affirme que “les mécanismes de participation peuvent contribuer à éclairer la représentation nationale, mais ils ne peuvent en aucun cas s’y substituer“. Dénonçant “le risque de confusion“ et “les incertitudes qui subsistent sur son rôle véritable“, il soutient que le CNR “est perçu comme une forme de contournement du Parlement“ . Refusant ce qui s’apparente selon lui à “un exercice indéterminé de co-construction de la loi en dehors du Parlement“, il prévient : “ La loi ne se vote qu’au Parlement“.

Une position dénoncée le 8 juin sur France Inter par Olivier Véran . Le Conseil national de la refondation , voulu par Emmanuel Macron, “n’est pas un désaveu du Parlement“, a assuré le porte-parole du gouvernement. Son principe sera “de partager les bons diagnostics“, pour “proposer des solutions dans le cadre programmatique du président“, a t-il ajouté. “ J’ai du mal à comprendre que l’on puisse refuser la main tendue pour venir dialoguer et discuter“ , a déclaré l’ancien ministre de la santé mardi 30 août sur franceinfo.

Même fin de non-recevoir du côté des Républicains, où la présidente par intérim du mouvement, Annie Genevard, déclare : “Le principal reproche que l’on peut faire à ce Conseil national de la refondation est de créer une confusion de légitimité entre des représentants de la société civile – dont on ne sait pas sur quelle base ils seront désignés ou choisis – et ceux de la nation, qui tirent leur pouvoir d’un mandat.“

La “saison 2 du bla-bla pour LFI”

“Saison 2 du bla-bla“ pour le leader de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, le CNR est boycotté par l’ensemble des partis de la Nouvelle Alliance Populaire et Sociale (Nupes) : insoumis, socialistes, écologistes et communistes, ont tous fait savoir qu’ils ne participeront pas aux discussions pilotées par François Bayrou. “Il y a eu un consensus“ au sein du bureau exécutif pour ne pas y aller, a notamment expliqué à l’AFP le numéro 2 d’Europe-Écologie-Les-Verts (EELV), Sandra Regol . “Si c’était une véritable rencontre de travail on y serait allés. Mais là ça résonne plutôt comme un outil de communication. On ne voit pas l’intérêt de s’y rendre“, at-elle justifié. “Nous ne voulons pas cautionner une opération qui vise à contourner le Parlement“, a abondé Ian Brossat, porte-parole du PCF.

Les associations d’élus en seront finalement

À défaut des politiques, la Première ministre espérait réussir à attirer au moins les associations d’élus et les syndicats. Pointant le format non adapté de l’instance, les premières – regroupant l’association des maires de France (AMF), l’association des départements de France (ADF) et Régions de France – ont dans un premier temps refusé de participer au CNR . Les élus locaux ont finalement été convaincus par le chef de l’Etat. “Nous avons obtenu des réunions de travail régulières avec le président de la République pour échanger sur les problèmes spécifiques que nous rencontrons dans l’exercice de nos compétences“, a indiqué lundi soir François Sauvadet, le président de l’Assemblée des départements de France (AdF), à l’issue de la réunion avec Emmanuel Macron.

Le Patronat réservé, les organisations syndicales absentes pour la plupart

Les organisations patronales ont répondu à l’invitation du chef de l’État de se rendre, le 8 septembre, à la séance inaugurale du CNR. Pour autant, elles restent réservées sur l’exercice, qui selon eux s’apparentent plus à “un coup de com“, qu’à une ouverture sur la société civile. Du côté du patronat, qui pourtant “doute de l’efficacité d’une organisation à soixante personnes“ , selon les mots du président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, on a fait le choix de se rendre jeudi à Marcoussis. “On apportera notre contribution“ , déclare quant à lui François Asselin, le patron de la CPME, qui regrette l’absence du dossier des retraites dans la liste des thématiques.

Côté syndicats, si la CFDT et la CFTC, ont répondu présents, la plupart des centrales ont décidé de pratiquer la politique de la chaise vide. Dans la foulée de la plupart des partis politiques, deux des trois poids lourds syndicaux de l’échiquier français, la CGT et Force Ouvrière (FO), boycotteront à leur tour ce rendez-vous, selon Le Parisien . Dans un courrier adressé mardi à Emmanuel Macron, FO indique les raisons de son désistement.  “S’agit-il d’une méthode ou d’une instance ?“, s’interroge le nouveau secrétaire général de FO, Frédéric Souillot, qui regrette aussi que ce rendez-vous ne se tienne pas au CESE où siègent élus, syndicalistes et représentants de la société civile. 

Même position pour la CFE-CGC, qui a confirmé mardi dans un communiqué, qu’elle ne répondrait pas à l’invitation. “Cette décision est une alerte face à un trouble délibéré à l’ordre des institutions et au délitement du respect qui est dû aux partenaires sociaux dans une démocratie“, indique le syndicat.

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