Emmanuel Macron est attendu ce jeudi au Rwanda, première escale d’une mini-tournée africaine. Une visite hautement symbolique, avec l’ambition de finaliser le processus de réconciliation après plus de 25 ans de tensions diplomatiques liées au rôle joué par la France dans le génocide des Tutsi de 1994.
Vingt-sept ans après le génocide, Emmanuel Macron a atterri ce jeudi pour la première fois à Kigali, afin “d’ouvrir une nouvelle page“ des relations franco-rwandaises. La première escale de cette mini-tournée africaine s’annonce hautement symbolique et est présentée par l’Élysée comme l“’étape finale de la “normalisation des relations entre les deux pays“, après plus de 25 ans de tensions diplomatiques liées au rôle joué par la France dans le massacres des Tutsi en 1994. Le président français a affirmé la semaine dernière qu’il aura “à cœur d’écrire une nouvelle page“ entre la France et le Rwanda, deux pays qui, selon son homologue Paul Kagame, ont désormais l’opportunité de “créer une bonne relation“.
Au moment de décoller pour Kigali, j’ai une conviction profonde : au cours des prochaines heures, nous allons écrire ensemble une page nouvelle de notre relation avec le Rwanda et l’Afrique.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 26, 2021
Le chef de l’état sera accompagné lors de ce déplacement, du ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian et d’une délégation économique avec des représentants d’entreprises françaises. Mais des figures culturelles sont aussi à bord de l’avion, et notamment les écrivaines Scholastique Mukasonga et Annick Kayitesi-Jozan, ou encore, l’ancienne Miss France binationale Sonia Rolland.
Un discours très attendu
Emmanuel Macron aura à trouver les mots justes dès son arrivée jeudi matin à Kigali. Il se rendra directement au Mémorial du génocide, situé à Gisozi, un quartier de la capitale, où sont inhumés les restes de plus de 250 000 victimes. Au cours de ce moment de “solennité particulière“ selon l’Élysée, il prononcera un discours très attendu en s’adressant notamment aux rescapés de ce génocide qui a fait plus de 800.000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsi, entre avril et juillet 1994. Si la teneur de ce dernier reste inconnue, le président français devrait aller plus loin que ses prédécesseurs, en particulier Nicolas Sarkozy qui fut le seul président à se rendre à Kigali depuis 1994 et qui reconnu à cette occasion “une forme d’aveuglement“ des autorités française aux conséquences “absolument dramatiques“.
Les Rwandais, attendent la reconnaissance de la responsabilité française dans le génocide, voire des excuses du président, pour le rôle joué par Paris entre 1990 et 1994. “Des excuses ne peuvent venir à la demande. Elles doivent être sincères. Ce n’est pas à moi, ou à quiconque, de demander des excuses“, a estimé le président rwandais, Paul Kagame, dans un récent entretien au Monde.
Paul Kagame : « Je laisse au président Macron le choix des mots. Des excuses ne peuvent venir à la demande » https://t.co/DLCodDkrMC
— Le Monde Politique (@lemonde_pol) May 17, 2021
Un rapport accablant
La visite présidentielle est aussi marquée par la récente publication du rapport dirigé par l’historien Vincent Duclert sur le rôle de la France dans le génocide, commandé et accepté par Emmanuel Macron, Remis au chef de l’état le 26 mars dernier, ce rapport conclut aux “responsabilités lourdes et accablantes“ de la France et à l’“aveuglement“ de François Mitterrand, président en exercice en 1994, et de son entourage, face à la dérive raciste et génocidaire du gouvernement hutu que soutenait alors Paris.
Génocide des Tutsi du Rwanda. Un rapport expose les « responsabilités accablantes » de la France https://t.co/F063CCftJk
— Ouest-France (@OuestFrance) March 26, 2021
Paul Kagame a déclaré pouvoir “s’accommoder“ de ces conclusions, confirmées par le rapport Muse, commandé à des avocats américains par le Rwanda. “Je pense que, malgré de légères divergences dans leurs conclusions, ces rapports posent des bases solides pour bâtir une meilleure relation entre nos deux pays. Aujourd’hui, nous avons fait 85 % à 90 % du travail pour normaliser les choses, et je ne pense pas qu’il faille perdre du temps sur les 10 ou 15 % restants“, a-t-il précisé dans un entretien à Jeune Afrique.
Reste que la visite d’Emmanuel Macron au Rwanda suscite nombre de commentaires. Dans le Journal du Dimanche, Paul Quilès, président en 1998 de la mission d’information sur le génocide à l’Assemblée, regrette que le président français fasse “copain-copain avec un chef d’Etat qui est loin d’être recommandable“. Dans Libération, Vincent Duclert, l’auteur du rapport commandé par l’Elysée, indique : “Les mots du chef de l’Etat, ce jeudi à Kigali, ceux du président de la République du Rwanda, aideront, nous l’espérons, à alléger le poids de la souffrance partagée, celle des rescapés, celle des témoins.“ L’eurodéputé Raphaël Glucksmann s’adresse également au chef de l’état, toujours dans Libé : “En notre nom à tous, vous pouvez reconnaître notre responsabilité, vous pouvez demander pardon. Pardon aux morts et aux vivants.“
Pour concrétiser cette normalisation, MM. Macron et Kagame, qui tiendront une conférence de presse commune en début d’après-midi, devraient annoncer le retour d’un ambassadeur français à Kigali, où le poste est vacant depuis 2015.
Faire “rayonner la culture française“
Une autre étape de ce voyage, sera l’inauguration par Emmanuel Macron du centre culturel francophone de Kigali, un établissement qui “aura vocation à faire rayonner non seulement la culture française mais aussi toutes les ressources de la francophonie, notamment des artistes de la région“, selon la présidence.Car, pour Paris, il s’agit d’envoyer un message global d’ouverture à la jeunesse africaine, qui peine à être convaincue de la volonté de l’ancienne puissance coloniale de tourner la page de la “Françafrique“.