
Proportionnelle aux législatives : Bayrou engage une consultation
28 avril
A partir de ce lundi 28 avril, François Bayrou engage une consultation des partis et groupes parlementaires sur l’instauration de la proportionnelle aux législatives. Un changement de mode de scrutin défendue de longue date par le Premier ministre, mais qui divise la classe politique.
“Le premier ministre souhaite aller vers la proportionnelle aux législatives. A la rentrée [parlementaire] du 28 avril, il engagera une consultation de tous les partis, avec les groupes parlementaires“, a fait savoir le ministre des relations avec le Parlement, Patrick Mignola, dans un entretien au Journal du dimanche (JDD), dimanche 20 avril. Défenseur historique du mode de scrutin proportionnel, qui selon lui garantit une meilleure représentation de tous les courants de pensée, François Bayrou aurait rêvé que la France se dote pour élire ses députés du mode de scrutin proportionnel à l’allemande. Mais le système en place outre-Rhin est très compliqué, très sophistiqué. Il va donc se contenter d’être plus modeste.
Pour rappel, depuis l’instauration de la Ve République, et à l’exception des législatives de 1986, les députés sont élus au scrutin uninominal majoritaire à deux tours dans 577 circonscriptions, où à l’issue du second tour l’emporte le candidat qui a obtenu le plus de voix sur son nom. A ce mode de scrutin, le chef du gouvernement voudrait substituer un scrutin dans le cadre duquel les députés seraient élus en un seul tour, par liste, le nombre de sièges étant attribué proportionnellement au nombre de voix.
Le Premier ministre a appelé la semaine passée les présidents des groupes parlementaires et de partis pour les informer qu’il allait les recevoir à Matignon. Les premiers à être consultés seront Marine Le Pen et Jordan Bardella, puisqu’à l’Assemblée nationale le groupe Rassemblement National (RN) dispose du groupe qui compte le plus de députés.
Quelle forme ?
Lors de la négociation qui va s’ouvrir ce lundi, une question sera centrale : quelle forme doit prendre l’instauration de la proportionnelle pour les élections législatives ? L’élection des députés via ce mode de scrutin doit-elle se faire sur des listes départementales, comme le prônent les centristes, ou sur des listes régionales, comme le souhaitent les écologistes ? Faut-il maintenir le scrutin majoritaire pour élire les députés dans les petits départements et introduire uniquement la proportionnelle dans les plus grands (comptant au moins 11 députés), comme y est favorable la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. Autre question et non des moindres : une prime majoritaire doit-elle être accordée à la liste arrivée en tête, comme le demande le RN ? Autant de considérants techniques aux lourdes conséquences numériques, qui vont devoir être tranchés. “Tout le monde ou presque est d’accord sur le principe : il faut plus de proportionnelle. Reste à déterminer la forme : régionale ? Départementale ? Mixte ? Nous aurons ce débat“, précise un proche du Premier ministre, qui laisse entendre que cette réforme pourrait être examinée par le Parlement à l’automne.
Un chantier qui divise
A l’origine en 2018, le président de la République, Emmanuel Macron, avait souhaité l’instauration d’un système mixte avec 15 % des députés élus à la proportionnelle, mais la réforme avait été finalement abandonnée en pleine affaire Benalla, après de multiples consultations et tergiversations. Depuis lors, une majorité des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale souhaite une évolution du mode de scrutin d’élections des députés.
Ceux qui plébiscitent l’idée
L’instauration de la proportionnelle est réclamée de longue date par la mouvance centriste, pour qui la proportionnelle, en vigueur chez la plupart de nos voisins européens, garantirait une représentation de tous les courants de la vie politique. Plus généralement, au sein des groupes centristes, l’introduction d’une dose de proportionnelle a longtemps été l’apanage des discours du “nouveau monde“, sur le renouveau démocratique. Avant d’accéder à Matignon, François Bayrou, bien que penchant pour une proportionnelle dans l’ensemble des départements, a souvent varié dans ses modalités d’application : en 2021, le Modem a défendu deux réformes, une proportionnelle intégrale au niveau départemental, pour les listes ayant obtenu au moins 5 % des voix ; une autre appliquée aux départements élisant douze députés. Lors de son discours de politique générale, le Béarnais inclinait pour une proportionnelle “inscrite dans les territoires“.
Le Rassemblement National a lui toujours défendu la proportionnelle. Pour le parti, ce mode de scrutin apparait comme la meilleure solution pour l’emporter. Mais si à l’extrême droite en demande l’instauration, c’est avec avec l’établissement d’une prime majoritaire pour la liste arrivée en tête (de la même manière que pour les élections sénatoriales). Une manière pour le parti de garder sur le papier les avantages de ce mode de scrutin (meilleure représentativité), sans ses inconvénients (inefficacité, instabilité). Marine Le Pen ne cache d’ailleurs pas que si la proportionnelle n’est pas mise en place, alors elle fera tout pour obtenir sa censure. Sur l’échiquier politique, deux autres formations se déclarent enfin favorables à ce changement : La France Insoumise et Les Ecologistes.
🔵 Rendons le pouvoir au peuple avec la proportionnelle !
Plébiscitée par 74 % des Français et proposée par @MLP_officiel, cette mesure redonnerait un souffle démocratique à nos institutions et mettrait fin à la confiscation du pouvoir par des accords partisans contre nature qui… pic.twitter.com/2mjsyPBMxw
— Rassemblement National (@RNational_off) April 23, 2025
Ceux qui doutent
Chez Renaissance, le nouveau secrétaire général du parti présidentiel, Gabriel Attal, va installer un groupe de travail afin d’arrêter sa position. Mais l’ancien Premier ministre n’est pas spontanément convaincu des bienfaits d’un tel changement. Comme on l’a dit, Yaël Braun-Pivet, y est elle, plutôt favorable, dans les grands départements comptant au moins onze députés. Le PS est lui aussi divisé sur la question. Coté socialiste, François Hollande est devenu un avocat convaincu de la proportionnelle tandis qu’Olivier Faure y a toujours été opposé.
Ceux qui y sont opposés
Horizons et Les Républicains (LR) sont pour leur part “vent debout“ contre l’instauration de la proportionnelle aux élections législatives. Et ce au nom d’un principe : si ce mode de scrutin était mise en place, il n’y aurait plus de majorité stable et claire mais des coalitions qui obligeraient à d’interminables tractations. Le patron des députés LR Laurent Wauquiez a ainsi exhorté dimanche le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, son rival pour la présidence du parti, à s’opposer à “la volonté de François Bayrou“ sur la mise en place de la proportionnelle aux législatives. “Je suis contre la proportionnelle“, a martelé dimanche le député de Haute-Loire sur BFMTV. “La proportionnelle aboutira à ce qu’on va institutionnaliser le chaos politique qu’on connaît en ce moment et qui deviendra la règle. La proportionnelle, c’est les régimes partisans, ce sont les petits accords d’arrière-boutique. C’est les Français qui ne choisissent plus leurs candidats. Je déteste ça“ a-t-il insisté. “Ce que je demande donc, c’est que Bruno Retailleau, dont c’est la compétence, s’oppose à cette volonté de François Bayrou» et «impose au Premier ministre» d’abandonner l’idée de légiférer dessus, a-t-il poursuivi.
Proportionnelle à l'Assemblée: "Je demande que Bruno Retailleau s'oppose à cette proposition de François Bayrou et impose au Premier ministre l'abandon de cette proposition de loi", déclare Laurent Wauquiez pic.twitter.com/aaFLH6HIOJ
— BFMTV (@BFMTV) April 27, 2025