La France entre en « état d’urgence sanitaire » : ce que ça change

La France est officiellement entrée ce mardi en état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois. Un régime qui encadre le confinement et d’autres mesures restrictives des libertés, du fait de la publication au Journal officiel, d’une loi dédiée. Quels pouvoirs ce texte octroie t-il au gouvernement ? Quels en sont les effets ? Explications.

A l’issue de quatre jours de travaux intensifs, le Parlement a adopté dimanche une loi « d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19« . Publié mardi 24 mars au Journal officiel, ce texte prévoit la mise en place d’un régime « d’état d’urgence sanitaire”, qui encadre le confinement et d’autres mesures restrictives des libertés. Ce régime d’exception, qui est une première dans l’histoire de la France. sous tend la mise en place de mesures exceptionnelles. Il est établi sur le modèle de l’état d’urgence prévu par une loi de 1955, activé après les attentats de novembre 2015.

Une durée prévue de 2 mois

L’état d’urgence sanitaire instauré par le loi du 23 mars est prévue pour une durée de deux mois à compter de l’entrée en vigueur du texte. Sa prorogation au-delà de ce délai ne pourra être autorisée que par une nouvelle loi. A l’inverse, il pourra  y être mis fin de façon prématurée, avant le terme des deux mois, par décret en conseil des ministres. Dans tous les cas, l’Assemblée  nationale et le Sénat seront informés « sans délai » des mesures prises pendant l’état d’urgence.

Des restrictions de libertés

Le nouveau régime d’exception prévoit des mesures limitant la liberté d’aller et venir, de réunion et d’entreprendre. La violation des règles de confinement est notamment punie d’une amende de 135 euros, 1.500 euros en cas de récidive « dans les 15 jours » et, dans le cas de « quatre violations dans les trente jours » le délit est « puni de 3.700 euros d’amende et six mois de prison au maximum« .

Des dispositions dénoncées par plusieurs parlementaires de l’opposition,  de droite comme de gauche, qui ont critiqué des restrictions « larges » des libertés et un « pouvoir colossal » accordé au gouvernement.

Dans les faits, la loi d’urgence du 23 mars accorde au gouvernement, le pouvoir :

  •  de restreindre ou d’interdire la circulation des personnes et des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par décret ;
  •  d’interdire aux personnes de sortir de leur domicile, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux ou de santé ;
  • d’ordonner des mesures ayant pour objet la mise en quarantaine, de personnes susceptibles d’être affectées du Covid 19 ;
  • d’ordonner des mesures de placement et de maintien en isolement des personnes affectées, à leur domicile ou dans tout autre lieu d’hébergement adapté ;
  • d’ordonner  la fermeture provisoire d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, à l’exception des établissements fournissant des biens ou des services de première nécessité ;
  • de limiter ou d’interdire les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature ;
  • d’ordonner la réquisition de tous biens et services nécessaires à la lutte contre la catastrophe sanitaire ainsi que de toute personne nécessaire au fonctionnement de ces services ou à l’usage de ces biens ;
  • de prendre toutes mesures temporaires de contrôle des prix de certains produits rendues nécessaires pour prévenir ou corriger les tensions constatées sur le marché  ;
  • en tant que de besoin, de prendre toute mesure permettant la mise à la disposition des patients de médicaments appropriés pour l’éradication de la catastrophe sanitaire ;
  • si nécessaire, de prendre par décret toute autre mesure réglementaire limitant la liberté d’entreprendre, dans la seule finalité de mettre fin à la catastrophe sanitaire

Le gouvernement autorisé à « légiférer » par voie d’ordonnance

Dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances [dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution], certaines mesures qui relèvent en temps normal du domaine de la loi. Afin de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19, l’exécutif peut ainsi :

  • aider et soutenir la trésorerie des entreprises afin de limiter les faillites d’entreprises et les licenciements (création d’un fonds de solidarité avec la participation des régions pour les petites entreprises, extension du champ du chômage partiel, capacité renforcée de la Banque publique d’investissement d’accorder des garanties, report des charges sociales et fiscales et sursis aux factures de loyers, de gaz et d’électricité pour les petites entreprises et les petits commerces…) ;
  • adapter le droit du travail pour permettre aux employeurs de faire face aux difficultés d’organisation auxquelles ils  sont confrontées (accord de branche ou d’entreprise autorisant l’employeur à imposer des dates de prise de jours de congé dans la limite de six jours, possibilité pour l’employeur d’imposer ou de modifier unilatéralement les dates des jours de réduction de temps de travail…) ;
  • modifier le droit des procédures collectives, afin de mieux anticiper les défaillances d’entreprises ;
  • alléger le droit des sociétés (tenue simplifiée d’assemblées générales) ;
  • adapter les procédures administratives et juridictionnelles à la crise sanitaire ;
  • faciliter la garde des jeunes enfants dans le contexte de fermeture des structures d’accueil ;
  • repousser au 31 mai la fin de la trêve hivernale pour les expulsions locatives ;
  • continuer à protéger les publics fragiles (personnes handicapées, âgées, pauvres…) ;
  • permettre le maintien des droits des assurés sociaux et leur accès aux soins ;
  • assouplir les règles de fonctionnement des collectivités locales (délégation de pouvoir étendue confiée aux maires…).

Le gouvernement est également autorisé à prolonger par ordonnance la durée de validité des documents de séjour remis aux étrangers (carte de séjour, attestation de demande d’asile…) qui expirent entre le 16 mars et le 15 mai 2020, dans la limite de six mois.

LOI no 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19
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