L’Assemblée nationale élit son bureau sous fond de tensions

Soupçons de fraude, invectives et majorité surprise de la gauche : les 577 députés ont procédé à l’élection du bureau de la nouvelle Assemblée dans un climat délétère. Le Nouveau Front populaire rafle la mise et le Rassemblement national sort bredouille des scrutins. “Un scandale démocratique “ dénoncé par la présidente du parti à la flamme, Marine Le Pen.

Près de deux semaines après le second tour des législatives anticipées, la mise en place de la nouvelle Assemblée nationale a été traversée de soubresauts violents et inattendus. Tout a commencé jeudi avec la réélection au perchoir du Palais Bourbon de la présidente sortante, Yaël Braun-Pivet. A l’issue d’un scrutin incertain au troisième tour, la candidate macroniste avec 220 voix, a devancé de peu le candidat du Nouveau Front populaire,  André Chassaigne (207), et plus largement le candidat du Rassemblement national, Sébastien Chenu (141 voix).

Une victoire immédiatement remise en cause par le député communiste. Le vote des Français “a été volé »par une “alliance contre nature“ entre le camp présidentiel et la droite, a estimé jeudi André Chassaigne, faisant notamment référence à un deal conclu entre les macronistes et La Droite républicaine.

Une élection chaotique, entachée d’irrégularités

De mémoire de journaliste parlementaire, c’est du jamais-vu : au lendemain du “sacre“ de la présidente de l’Assemblée, l’élection des membres du bureau a donné lieu, vendredi, aux premières passes d’armes de la 17e législature, après l’annulation d’un vote entaché d’irrégularités. En cause, dix enveloppes en trop dénombrées dans l’urne et des soupçons de fraude. Après quatorze heures de vote, et de multiples tours de scrutin, le bureau de l’Assemblée nationale a été constitué dans la nuit de vendredi à samedi.

La gauche devenue majoritaire au bureau

Après l’échec du communiste André Chassaigne face à la présidente sortante de l’Assemblée, c’est contre toute attente que le Nouveau Front populaire (NFP) a obtenu la majorité absolue au sein de l’instance majeure du Palais-Bourbon (12 sièges sur 22).

L’alliance de gauche a en effet décroché deux vice-présidences sur six élus dès le premier tour, une questure sur trois et neuf postes de secrétaire sur douze. Un événement tout sauf anecdotique puisque cette instance collégiale a vocation à disposer de “tous pouvoirs pour régler les délibérations de l’Assemblée et pour organiser et diriger tous les services “du Palais-Bourbon. Cette majorité de la gauche n’était pas attendue considérant les équilibres politiques au sein de l’Hémicycle. Elle a bénéficié du retrait des candidats du Rassemblement national aux postes de secrétaires et du départ d’un certain nombre de députés macronistes qui n’ont pas participé aux votes, contrairement à leurs homologues de gauche, massivement présents. Le camp présidentiel n’obtient que cinq places et la Droite républicaine, trois. Le Rassemblement national, lui, disparaît du bureau.

Dans le détail, Clémence Guetté (La France insoumise, Val-de-Marne) a été élue première vice-présidente. Sa collègue insoumise Nadège Abomangoli (Seine-Saint-Denis) la suit, avec Naïma Moutchou (Horizons, Val-d’Oise), vice-présidente sortante. Annie Genevard (Droite républicaine Doubs), Xavier Breton (Droite républicaine Ain) et le ministre de l’industrie démissionnaire, Roland Lescure (Ensemble Français de l’étranger), complètent la liste. Les trois postes de questeurs sont quant à eux occupés pour la première fois par la première fois par des femmes : Christine Pirès Beaune (Parti socialiste, Puy-de-Dôme), Brigitte Klinkert (Ensemble, Haut-Rhin) et Michèle Tabarot (Droite républicaine Alpes-Maritimes).

Le NFP a obtenu par ailleurs neuf postes de secrétaires. Les trois derniers étant obtenus, par le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (LIOT) pour deux , et  pour le dernier par Horizons.

Le Rassemblement National évincé

Le Rassemblement national sort donc bredouille des différents scrutins, faisant les frais du front républicain de la gauche et du pacte entre la droite et les macronistes. Marine Le Pen s’est empressée de dénoncer sur X, “un scandale démocratique fruit d’accords passés entre la Macronie et les Républicains et la volonté de l’extrême-gauche d’empêcher une juste représentation de 11 millions de Français“. Rappelant que son parti a voté pour des représentants des trois blocs qui se partagent l’Assemblée, la cheffe historique du parti a évoqué dans la foulée du vote, des “magouilles“ et des “achats de poste“ qui “foulent aux pieds la démocratie“ », privant les “11 millions d’électeurs“ du RN de représentants dans les instances de l’Assemblée.

Le camp présidentiel obtient six des huit présidences de commission

Après deux jours d’extrême tension sur la répartition des postes-clés du bureau, les députés se sont retrouvés samedi matin pour élire les présidents de commission, avec pour principal enjeu la direction de la commission des finances, assurée par l’insoumis Eric Coquerel lors de la précédente législature. Une présidence très convoitée, puisque la commission des finances est notamment chargée de la supervision du budget, qui revient depuis 2007 à un député d’un groupe s’étant déclaré dans l’opposition.

La composition des différentes commissions peut être consultée site de l’Assemblée nationale puis, pour chaque commission, en cliquant sur “Election du bureau de la commission“.

Le camp présidentiel a obtenu six des huit présidences de commission, mais l’Insoumis Eric Coquerel a été réélu à la présidence de la commission des Finances, dévolue à l’opposition et qui était convoitée par la droite. “Je ne serai animé d’aucun esprit de revanche. J’ai animé cette commission dans une totale impartialité en termes d’organisation et je continuerai à faire de même pour tous les groupes“, a déclaré M. Coquerel, qui a dit son intention de défendre le programme proposé par le Nouveau Front populaire pour les élections législatives. “J’aspire, comme toute la coalition, à gouverner le pays le plus rapidement possible« , a t-il ajouté. “Quand Emmanuel Macron se sera rendu à l’évidence, c’est-à-dire que nous sommes la majorité, je démissionnerai pour laisser ce poste à la nouvelle opposition“.

Dans le détail, la présidence des différentes commissions échoit à :

  • Commission des finances Eric Coquerel (La France insoumise)
  • Commission des lois Florent Boudié (Ensemble pour la République) ;
  • Affaires étrangères : Jean-Noël Barrot (Les Démocrates)
  • Affaires sociales : Paul Christophe (Horizons et indépendants)
  • Affaires économiques : Antoine Armand (Ensemble pour la République)
  • Développement durable Sandrine Le Feur (Ensemble pour la République)
  • Défense Jean-Michel Jacques (Ensemble pour la République)
  • Affaires culturelles Fatiha Keloua Hachi (Socialistes et apparentés)

 

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