Après 3 mois de crise sociale et politique, le Conseil constitutionnel a rendu ce vendredi 14 avril, sa décision sur la très controversée réforme des retraites. L’institution a validé l’essentiel du texte, dont le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans. Les sages ont néanmoins rejeté six dispositions, dont l’index senior. Tour d’horizon de ce qu’a décidé le Conseil.
C’était un verdict très attendu. Le Conseil constitutionnel qui avait le destin de la réforme des retraites entre ses mains, a donné un large blanc seing au gouvernement. L’institution de la rue Montpensier a en effet finalement validé vendredi l’essentiel des dispositions du texte, dont sa mesure phare de recul de l’âge légal de départ à 64 ans et l’allongement de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein de 42 à 43 ans d’ici 2027. Ces dispositions auront donc force de loi dès qu’Emmanuel Macron aura promulgué le texte.
Décision n°2023-849 DC
Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023
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“Le texte ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle“
Le Conseil constitutionnel n’a donc pas suivi les parlementaires de gauche ou du Rassemblement national (RN) qui plaidaient un détournement de procédure parlementaire pour faire adopter la loi. Le choix du gouvernement “ne méconnaît, en lui-même, aucune exigence constitutionnelle“, déclare la rue de Montpensier.
Sur l’utilisation de plusieurs procédures
Les parlementaires requérants soulevaient le fait que l’application cumulative de plusieurs procédures prévues par la Constitution et par les règlements des assemblées avait entaché d’irrégularité la procédure suivie.
Pour rappel, le gouvernement a eu recours successivement :
- à l’article 47.1 de la Constitution, qui limite le débat parlementaire à cinquante jours ;
- à l’article 44, alinéa 3, forçant le Sénat à se prononcer par un seul vote sur l’ensemble du projet de loi en ne retenant que les soixante-dix amendements choisis par le gouvernement ;
- à l’article 49.3, qui permet de faire adopter le texte sans vote de l’Assemblée nationale.
“La circonstance que plusieurs procédures prévues par la Constitution et par les règlements des assemblées aient été utilisées cumulativement pour accélérer l’examen de la loi, n’est pas à elle seule de nature à rendre inconstitutionnel l’ensemble de la procédure législative“, répond le Conseil. Les sages ont reconnu que “l’utilisation combinée des procédures mises en œuvre a revêtu un caractère inhabituel“, mais “n’a pas eu pour effet de rendre la procédure législative contraire à la Constitution“.
Sur le recours aux délais d’examen resserrés de l’article 47-1 de la Constitution
Les trois recours parlementaires se rejoignaient également pour soutenir que les délais d’examen resserrés prévus à l’article 47-1 de la Constitution (20 jours devant l’Assemblée nationale puis 15 jours devant le Sénat, en première lecture, et 50 jours au total) ne pouvaient pas être appliqués à la loi de financement rectificative, cavalier choisi par le gouvernement pour faire passer sa réforme. Un argument une nouvelle fois réfuté par les sages qui indiquent qu’il résulte du texte même de l’article 47-1 de la Constitution que ces délais d’examen sont applicables à la loi de financement de l’année, ainsi qu’aux lois de financement rectificatives, et que l’urgence ne constitue pas une condition de leur mise en œuvre.
Six “cavaliers sociaux“ censurées
La Rue de Montpensier a en revanche retoqué six “cavaliers sociaux“ qui “n’avaient pas leur place dans la loi déférée » qui est de nature financière. Relevant que ces mesures secondaires n’avaient pas d’effet ou un effet trop indirect sur les recettes des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement, le Conseil constitutionnel a, censuré :
- l’index seniors qui devait être obligatoire dès cette année pour les entreprises de plus de mille salariés, et dont la non-publication devait être passible de sanctions financières (article 2) ;
- le CDI seniors, un ajout des sénateurs de droite, qui devait faciliter l’embauche des demandeurs d’emploi de longue durée de plus de 60 ans (article 3);
- l’annulation du transfert à la Sécurité sociale du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco (article 6) ;
- les dispositions concernant le droit au départ anticipé pour les fonctionnaires en catégories actives (article 10) ;
- les dispositions concernant “un suivi individuel spécifique au bénéfice de salariés exerçant ou ayant exercé des métiers ou des activités particulièrement exposés à certains facteurs de risques professionnels (article 17) ;
- et enfin l’article 27, instaurant un dispositif d’information à destination des assurés, en particulier ceux aux carrières hachées, sur le système de retraite par répartition.
A noter que les neuf juges ont, dans le même temps, rejeté une demande d’un référendum d’initiative partagée (RIP) déposée par la gauche. Une seconde demande, déposée ultérieurement, doit faire l’objet d’une nouvelle décision le 3 mai.
Décision n° 2023-849 DC du 14 avril 2023
Décision n° 2023-849 DC du 14 avril 2023 _ Conseil constitutionnel