Projet de loi immigration : “ça passe ou ça casse“ en CMP

La commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs, doit décider ce lundi de l’avenir du projet de loi immigration. Les tractations ont commencé il y a plusieurs jours, mais l’issue demeure incertaine. A défaut de fixer une version de compromis, le texte pourrait être purement et simplement enterré.

A 17 heures, ce lundi 18 décembre, sept députés et sept sénateurs représentatifs des équilibres politiques des deux chambres, se retrouveront dans une salle du Palais-Bourbon, pour décider à huis clos du sort du projet de loi immigration. But de l’opération : passer en revue les points sur lesquels une convergence est possible et ceux où un blocage persiste. Objectif : parvenir à un compromis entre la version originelle du texte et celle durcie par le palais du Luxembourg.

Au regard de la répartition des forces politiques en Commission Mixte Paritaire (CMP), les macronistes n’ont d’autres choix que de s’accorder avec la droite, les deux camps disposant chacun de cinq représentants. “Personne n’a la majorité“, a résumé mercredi sur France 2 la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, appelant à ce que “chacun fasse un pas vers l’autre“.

Une voie étroite

Les discussions se sont poursuivies tout au long de la semaine. Dimanche soir, à 19h30, le patron de la droite, Éric Ciotti, le chef de file des députés Les Républicains (LR), Olivier Marleix, et son homologue au Sénat, Bruno Retailleau, ainsi que la secrétaire générale du parti, Annie Genevard, se sont retrouvés une dernière fois à Matignon autour de la Première ministre, Élisabeth Borne. Après près de trois heures de discussions, la droite et l’exécutif ne sont pas parvenus à fixer les lignes d’une entente. “Les choses pourraient être bien engagées mais à cette heure, il n’y a pas d’accord“, a confirmé Éric Ciotti.  Si Les Républicains se félicitent d’avoir “tenu“ leur ligne, ils relèvent des points litigieux sur lesquels ils attendent des réponses précises du gouvernement.

Le patron de LR. a indiqué qu’il attendait notamment des précisions écrites dès ce lundi sur le calendrier du nouveau texte relatif à l’Aide médicale d’Etat (AME), que la droite entend “voir réalisée au début de l’année 2024.“ Éric Ciotti a également demandé “un engagement du gouvernement sur le déploiement des moyens de lutte contre l’immigration illégale.“La droite entend enfin faire prendre au gouvernement “des engagements pour accélérer la délivrance des laissez-passer consulaires, notamment avec les pays du Maghreb.“

Ce lundi 18 décembre, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin se dit confiant : “Nous sommes plus près d’un accord que d’un désaccord“, a t-il assuré.“ “A ce stade, on ne peut pas parler d’accord mais on peut dire que ça avance positivement. Nous avons balisé pour trouver à partir du texte du Sénat, la possibilité de nous mettre d’accord, même s’il reste beaucoup de points à régler“, a-t-il affirmé à quelques heures de la réunion de la CMP.

Réaction plus en retenue pour le patron des sénateurs Les Républicains. “On ne peut pas dire qu’il y ait accord (…). J’ai reçu cette nuit des rédactions qui prennent en compte un certain nombre de points, mais qui ne sont pas totalement satisfaisantes“, a déclaré pour sa part, Bruno Retailleau au micro de RMC/BFMTV.

Les contours d’un possible accord

Aide Médicale d’État (AME)

Après plusieurs jours de discussions, la droite et le gouvernement semblent s’être accordés sur le fait de sortir ce sujet du texte, en échange de quoi le gouvernement présentera un calendrier sur cette question. Sur LCI ce lundi le ministre de l’Intérieur a affirmé qu’un texte à part sur l’AME serait présenté “au premier trimestre prochain, avant le mois de mars“.

Régularisation des sans papiers

Il s’agit d’une disposition phare du texte, l’une des plus controversée. Le ministre de l’Intérieur a précisé à ce titre que les LR “ont accepté que cet article puisse exister“, laissant entendre dimanche que le blanc-seing de l’employeur pourrait ne plus être rendu nécessaire pour que les sans-papiers fassent leur demande. Le préfet “pourra régulariser notamment des personnes qui veulent être régularisées, mais dont l’employeur se refuse à accorder la régularisation“ a-t-il indiqué. Le président de LR a dit pour sa part attendre du gouvernement une “rédaction nouvelle“ de l’article qui garantisse le fait qu’elle n’ouvre “aucun droit juridique pour les personnes qui en feraient la demande“.“Nous souhaitons que ces décisions soient tout à fait exceptionnelles, très encadrées, comme l’a fait le Sénat“, a ajouté Éric Ciotti.

Déchéance de nationalité

Les Républicains auraient obtenu le blanc seing du gouvernement pour inscrire une mesure de déchéance de nationalité, pour les binationaux auteurs de crimes contre les forces de l’ordre.

Prestations sociales

Autre point sensible pour la majorité : les prestations sociales. Les sénateurs souhaitent imposer aux étrangers de devoir justifier de cinq ans de résidence pour pouvoir bénéficier d’allocations comme l’aide personnalisée au logement (APL) ou les allocations familiales. “Le principe de cinq ans pour ceux qui ne travaillent pas“ a été acté“, a précisé dimanche, Eric Ciotti à l’issue de son entrevue avec la Première ministre.

Un étranger doit être présent depuis six mois sur le territoire national pour avoir droit aux aides sociales (APL, RSA, ou allocation handicapée par exemple). Dans sa version du texte, le Sénat avait déjà porté ce délai de carence à cinq ans.

Si nous avons des confirmations sur l’ensemble de ces points, a indiqué dimanche Éric Ciotti, “nous aurons obtenu des avancées considérables par rapport au texte issu de la commission des Lois et au texte initial du gouvernement“. À l’Assemblée, le groupe LR a prévu de se réunir demain à midi, en amont de la CMP. “L’idée, c’est d’avoir tous les éléments de réponse avant“ précise un cadre du parti.

Quelles suites ?

En cas d’accord entre députés et sénateurs sur une version du texte lundi soir, un vote définitif serait organisé mardi 19 décembre à 14h30 au Sénat, puis plus tard dans l’après-midi à l’Assemblée nationale. Dans cette hypothèse, Elisabeth Borne laissera-t-elle le vote se dérouler ou, craignant de le perdre, dégainera-telle l’article 49.3 ? Face aux secousses, Emmanuel Macron a une nouvelle fois écarté l’hypothèse d’une dissolution ou d’une adoption sans vote du texte, via un recours au 49.3, le 15 décembre dernier.

Si au final le texte n’était pas voté à l’Assemblée, le gouvernement pourrait alors le laisser poursuivre la “navette parlementaire“ entre Assemblée et Sénat – ce qui promettrait des débats agités – ou jeter l’éponge et décider de le retirer. Selon plusieurs sources cette dernière option aurait été retenue, mardi 12 décembre lors d’un diner à l’Élysée. Le projet de loi tomberait alors dans les oubliettes de l’histoire.

 

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