Pass sanitaire, vaccination des soignants, isolement : ce que contient le projet de loi

Vaccination obligatoire pour les soignants, extension du pass sanitaire, isolement des personnes testées positives  : le projet de loi comportant les nouvelles mesures anti-Covid est débattu à partir de ce  par les parlementaires à partir de mardi. Mais que contient précisément ce texte affiné hier par le gouvernement suite à l’avis du Conseil d’Etat?

Une semaine après les annonces d’Emmanuel Macron sur les nouveaux outils de gestion de la crise sanitaire, l’avant-projet de loi qui doit en détailler l’application a été adopté lundi en Conseil des ministres, avant un examen au pas de charge dès aujourd’hui par le Parlement. Le Conseil d’Etat qui a rendu son avis lundi soir a validé le périmètre proposé dans l’avant-projet de loi, tout en retoquant purement et simplement l’élargissement du pass sanitaire aux grands centres commerciaux.

Un examen du texte à marche forcée

Le train de nouvelles mesures, dont l’extension controversée du pass sanitaire, est arrivé lundi 19 juillet en Conseil des ministres avant un parcours en forme de course contre la progression du variant Delta. Au total cinq jours tout juste pour boucler un texte hautement sensible.

Dès ce mardi, ce dernier est examiné à l’Assemblée nationale, d’abord en commission où il sera discuté et le ministre de la Santé Olivier Véran auditionné, puis dans l’hémicycle le lendemain. L’issue du vote fait peu de doutes, mais l’opposition ne devrait pas manquer d’exprimer son opposition sur certains points du projet, en particulier la vaccination obligatoire des soignants pour la France insoumise ou le Rassemblement national.

Jeudi et vendredi, ce sera au tour du Sénat de se pencher sur le texte, d’abord en commission, puis dans l’hémicycle. Le parcours législatif s’arrêtera vendredi si les deux chambres trouvent un compromis, ce qui paraît peu probable. Plus vraisemblablement, une commission mixte paritaire devra être réunie dans le week-end pour que députés et sénateurs se mettent d’accord sur un nouveau texte, qui sera examiné puis voté en nouvelle lecture.

Trois blocs de mesures

L’avant-projet de loi relatif à “l‘adaptation de nos outils de gestion de la crise sanitaire“ comprend trois blocs de mesures.  Le premier élargit la liste des professions concernées par l’obligation vaccinale et précise les sanctions applicables à ces professionnels. Le second fixe les conditions du pass sanitaire généralisé, notamment aux lieux de loisirs, restaurants, bars et TGV. Il prévoit aussi des sanctions. Le troisième encadre l’obligation du maintien à domicile pour les personnes testées positives au covid-19.

Le texte prévoit également une prolongation du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire jusqu’à la fin de l’année et un retour de l’état d’urgence à la Martinique et à la Réunion. En revanche, la mesure de déremboursement des tests PCR à partir du mois d’octobre, annoncée par Emmanuel Macron le 12 juillet, ne figure pas dans l’avant-projet de loi.

Extension du pass sanitaire

Dès son article 1er, l’avant-projet de loi qui ne mentionne pas explicitement le “pass sanitaire“ sous cette appellation, subordonne l’accès des personnes à certains lieux, établissements ou événements, à la présentation, soit du résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19, soit d’un justificatif de statut vaccinal,  soit d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par le virus.

Rappelons que cette extension du pass sanitaire se fera en deux temps. Ainsi, dès ce mercredi 21 juillet, le pass sanitaire devient obligatoire dans tous les lieux de loisirs et de culture accueillant plus de 50 personnes. Début août, il sera exigé dans les restaurants, bars, hôpitaux, mais aussi les trains, avions et centres commerciaux de plus de 20.000 m2. Le porte-parole du gouvernement a indiqué lundi soir qu’une “période de rodage va s’appliquer pour l’accompagnement et la mise en place de ce pass, tant pour les établissements dans lesquels il s’appliquera à partir de mercredi, que pour ceux qui devront l’appliquer après promulgation de la loi

La mesure selon le texte concerne “les activités de loisirs“, “de restauration ou de débit de boissons“, “les foires ou salons professionnels“, les “services et établissements accueillant des personnes vulnérables, sauf en cas d’urgence“, comme les Ehpad, maisons de retraite et hôpitaux, ou encore les “grands établissements et centres commerciaux“. L’avant projet de loi précise que la réglementation “est appliquée en prenant en compte une densité adaptée aux caractéristiques des lieux, établissements ou événements concernés, y compris à l’extérieur.

Centres commerciaux

Le Conseil d’Etat dans son avis rendu lundi soir a retoqué l’utilisation du pass sanitaire pour tous les centres commerciaux, jugeant que “cette mesure porte une atteinte disproportionnée aux libertés des personnes concernées au regard des enjeux sanitaires poursuivis.“ Les Sages estiment qu’appliquer le pass aux centres commerciaux pourrait constituer un problème pour l’accès aux produits de première nécessité.

Après les réserves émises par le Conseil d’Etat, le gouvernement a “décidé d’adapter la rédaction“ du projet de loi. Le texte prévoit bien l’application du pass sanitaire pour les centres commerciaux qui dépassent un “seuil qui sera défini par décret“, a indiqué lundi soir le porte-parole du gouvernement. “Il sera appliqué dès lors que sera garanti l’accès des personnes aux biens et produits de première nécessité à l’échelle du territoire“, a t-il précisé.

Si à l’échelle du territoire où se trouve le centre commercial, il y a des commerces qui ne se trouvent pas dans le centre commercial mais qui permettent d’acheter des produits de première nécessité, alimentaires ou pharmaceutiques, alors le pass sanitaire pourra s’appliquer dans le centre commercial de ce même bassin de vie“, a expliqué Gabriel Attal.

Quelles sanctions ?

Les sanctions prévues s’appliquent à la fois aux établissements publics tenus de contrôler le pass sanitaire, et aux salariés et clients de ces établissements. Les responsables de ces derniers qui ne contrôleraient pas le pass sanitaire sont ainsi passibles selon la version initiale du projet de loi, d’une sanction particulièrement lourde : un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Bruno Le Maire avait insisté pour que soient appliquées des sanctions “dissuasives“ mais avait jugé celles fixées par le projet de loi, disproportionnées.

Après l’avis du Conseil d’Etat ce lundi, le non-contrôle du pass sanitaire donnera lieu à une amende de 1.500 euros. Un montant relevé à 9000 euros, assorti d’une peine qui peut aller jusqu’à un an de prison, au bout de la “troisième réitération“. Pour une personne morale, ce sera 7500 euros d’amende pour les premières transgressions, 45.000 euros et un an d’emprisonnement ensuite. Quant aux clients de ces lieux qui ne justifieront pas d’un pass sanitaire, ils s’exposent selon le projet de loi à une sanction pouvant aller jusqu’à 6 mois de prison et 10.000 euros d’amende.

Obligation vaccinale des soignants

C’est l’article 5 du projet de loi qui élargi le spectre des professions concernées par l’obligation vaccinale et présente la liste les sanctions encourues, en cas de non respect de l’obligation. Devront être ainsi immunisés contre la covid-19, les personnes exerçant leur activité dans :

  • Les établissements et centres de santé ;
  • Les maisons de santé ;
  • Les centres et équipes mobiles de soins ainsi que les centres médicaux et équipes de soins mobiles du service de santé des armées ;
  • Les services de santé relevant de l’Éducation nationale ;
  • Les services de santé au travail ;
  • Les établissements et services médico-sociaux ;
  • Les établissements qui accueillent des personnes âgées ou handicapées ;
  • Les professionnels de santé ;
  • Les professionnels employés par un particulier employeur effectuant des interventions au domicile des personnes attributaires de l’APA et la PCH ;
  • Les sapeurs-pompiers et les marins-pompiers des services d’incendie et de secours, les pilotes et personnels navigants de la sécurité civile assurant la prise en charge de victimes (…) ainsi que les membres des associations agréées de sécurité civile ;
  • Les personnes exerçant l’activité de transport sanitaire.

L’avant-projet de loi prévoit que des exemptions pourront être accordées sous réserve de présenter une contre-indication attestée par un certificat médical. Cette obligation de vaccination devra avoir été remplie au 15 septembre prochain, sous peine de sanctions. Au-delà de la date butoir fixée, les professionnels qui ne pourront justifier d’un pass sanitaire recevront notamment une notification d’interdiction d’exercer, soit par leur employeur, soit par la caisse d’assurance maladie.

A noter que le texte précise à son article 6 que pour satisfaire à cette obligation de vaccination, une autorisation d’absence sera accordée au salarié “pour se rendre aux rendez-vous médicaux“ qui découleront de la vaccination.

Quelles sanctions ?

Les professionnels soumis au pass sanitaire qui n’auront pas un schéma vaccinal complet au 15 septembre s’exposent dans un premier temps, à une suspension de leur contrat, puis à un possible licenciement, s’ils ne sont toujours pas vaccinés au bout de 2 mois. Le non contrôle de la vaccination obligatoire sera quant à lui passible d’une amende 45.000 euros pour la personne morale chargée du contrôle (directeur d’hôpital, etc.), mais là encore en cas de quatrième récidive seulement.

Maintien à l’isolement des personnes positives

Rejeté jusqu’alors par le gouvernement, l’isolement contraint des personnes déclarées positives au covid-19 sera cette fois mis en place. On trouve la mesure à l’article 4 de l’avant projet de loi, qui prévoit qu’un résultat positif imposera “la mesure de placement et de maintien en isolement […] pour une durée de dix jours dans le lieu d’hébergement que (la personne) a déclaré lors de l’examen“. Face à cette privation de liberté, le texte prévoit des recours auprès du juge des libertés et de la détention.

Cet isolement obligatoire de 10 jours pour les personnes contaminées a été approuvé par le Conseil d’Etat qui a cependant demandé à limiter les horaires de contrôles par les forces de l’ordre. Aucun contrôles ne pourra ainsi avoir lieu entre 23 heures et 8 heures du matin.

État d’urgence sanitaire

Prolongation du régime de sortie dans l’hexagone

Le texte prévoit par ailleurs de prolonger jusqu’au 31 décembre le régime de sortie de l’état d’urgence, qui devait s’éteindre le 30 septembre, selon le dernier texte voté. Ce régime permet au premier ministre de décider de mesures de restriction pour lutter contre l’épidémie.

Retour du régime à la Martinique et à la Réunion

Le 12 juillet dernier lors de son allocution aux français, Emmanuel Macron avait annoncé le retour de l’état d’urgence sanitaire, assorti d’un couvre-feu, dans les iles de la Réunion et de la Martinique . L’avant-projet de loi dispose que la mesure est prorogée jusqu’au 30 septembre 2021 inclus.

Un projet de loi retoqué par le Conseil constitutionnel ?

Plusieurs groupes d’opposition ont fait part de leur intention de saisir le Conseil constitutionnel.La droite sénatoriale s’est ainsi dit prête à saisir cette instance. “Lors de son examen au Sénat, nous veillerons à trouver le meilleur équilibre entre la nécessité de combattre la propagation du virus et la protection de nos libertés publiques”, ont affirmé le 15 juillet dernier les présidents des groupes LR Bruno Retailleau et centriste Hervé Marseille dans un communiqué commun.

Ce lundi, ce sont les députés insoumis qui ont fait part de leur souhait de saisir le Conseil constitutionnel sur le projet de loi élargissant le pass sanitaire, qui instaure à leurs yeux une société “de contrôle qui détruit la confiance“ et “divise“. Les 17 députés du groupe ont ainsi “adressé une proposition“ de saisine “à l’ensemble de leurs collègues de l’Assemblée nationale pour atteindre le nombre nécessaire“. Le gouvernement s’est dit prêt, de son côté, à faire des concessions, notamment sur le calendrier. La date d’entrée en vigueur du pass sanitaire dans les restaurants et les bars début août pourrait ainsi être décalée. “

Avant-projet de loi sur l’obligation vaccinale et le pass sanitaire généralisé

Classé dans COVID_19, Veille juridique.

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