Joe Biden a entrepris mercredi son premier voyage en Europe. Une tournée de huit jours à travers le “vieux continent“ qui donnera au président américain l’occasion de consolider des alliances effilochées avec les alliés des États-Unis et de rencontrer le président russe Vladimir Poutine, au milieu de tensions croissantes avec Moscou.
C’est une première tournée en tant que président des Etats-Unis, au cours de laquelle il entend restaurer avec l’Europe, des liens ébranlés par quatre années de présidence Trump. “En ce moment d’incertitude mondiale, alors que le monde est toujours aux prises avec une pandémie unique en un siècle, ce voyage vise à réaliser l’engagement renouvelé de l’Amérique envers nos alliés et partenaires, et a démontré la capacité des démocraties à à la fois relever les défis et dissuader les menaces de cette nouvelle ère“, a écrit le locataire de la Maison Blanche dans un éditorial du Washington Post. “À chaque étape du processus, nous allons indiquer clairement que les États-Unis sont de retour et que les démocraties du monde s’unissent pour relever les défis les plus difficiles et les problèmes qui comptent le plus pour notre avenir.“
Déterminé à reconstruire les liens transatlantiques et à recadrer les relations avec la Russie, le plus vieux président des États-Unis de l’histoire, à 78 ans, ne peut toutefois échapper aux doutes persistants sur sa pérennité ou celle de sa politique, et ce, alors que la Maison Blanche soutient que la diplomatie américaine stable est de retour pour de bon, même si elle ne peut offrir aucune garantie au-delà de son mandat.
Après consultation des alliés d’Europe occidentale, le programme de la tournée du président américain a été délibérément prévu ainsi : G7, sommet de l’OTAN et Russie. Un agenda confirmé par la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki.
Etape 1 : rencontre du Premier ministre britannique, Boris Johnson
Joe Biden, accompagné de la Première dame, Jill Biden, a atterri ce jeudi en Angleterre à bord d’Air Force One, pour une rencontre avec le Premier ministre, Boris Johnson. Profitant d’être l’hôte du président américain le Britannique sera le premier Européen – au moins au sens géographique – à accueillir le nouveau président américain.
LOOK: Biden and first lady Jill Biden arrive in the U.K. at RAF Mildenhall during his first foreign trip since taking office pic.twitter.com/LzjwPJW22q
— Bloomberg Quicktake (@Quicktake) June 9, 2021
Joe Biden s’est d’abord rendu à la base aérienne de Mildenhall, où il a rencontré les militaires américains et leurs familles, martelant un message on ne peut plus clair : “À chaque étape du processus, nous allons indiquer clairement que les États-Unis sont de retour et que les démocraties du monde s’unissent pour relever les défis les plus difficiles et les problèmes qui comptent le plus pour notre avenir“, a t-il martelé.
Le président américain a indiqué qu’il était déterminé à reconstruire les liens transatlantiques et à recadrer les relations avec la Russie après quatre années difficiles sous l’ancien président républicain Donald Trump, dont les tarifs et le retrait des traités ont tendu les relations avec les principaux alliés. “C’est mon premier voyage outre-Atlantique en tant que président des États-Unis. Je vais me rendre au G7, puis ce sera le sommet de l’OTAN et ensuite je rencontrerai M. Poutine, pour lui faire savoir, ce que je veux qu’il sache« , a t-il indiqué. S’adressant aux troupes de la RAF , Mildenhall, il a qualifié son ouverture diplomatique de semaine “essentielle“ pour l’avenir du monde
Deux dossiers majeurs
L’entretien entre Boris Johnson et Joe Biden est présenté comme un moment clé. Le Premier ministre britannique, hôte du sommet du G7, espère la mise au point d’une nouvelle Charte de l’Atlantique avec son homologue américain, à l’image de celle signée par Winston Churchill et Franklin Roosevelt. Elle doit affirmer que “si le monde a changé par rapport à 1941, les valeurs restent les mêmes“ concernant la défense de la démocratie, la sécurité collective et le commerce international, a fait savoir Downing Street. Les deux pays publieront une déclaration de principes commune, mettant à jour a Charte de l’Atlantique de 1941.
Le statut de l’Irlande du Nord, où les tensions alimentées par le Brexit menacent le retour de la violence meurtrière, sera également au premier plan de la rencontre entre les deux hommes. Biden est peut-être le plus irlandais des récents présidents américains, et l’accord du Vendredi saint est sacro-saint pour lui. Il fera donc clairement comprendre à son hôte britannique qu’il ne peut y avoir de remaniement du protocole d’Irlande du Nord s’il met en péril cet accord de longue date. “Cet accord doit être protégé, et toute mesure qui le met en danger ou le compromet ne sera pas bien accueillie par les États-Unis“, a déclaré mercredi Jake Sullivan, conseiller du président à la sécurité nationale, aux journalistes sur Air Force One.
Brexit : en rechignant à appliquer le « protocole nord-irlandais » qu’il a signé avec l’UE, Boris Johnson joue avec le feu et entretient les illusions des loyalistes nord-irlandais qui craignent la réunification de l’île https://t.co/5xWgkw25pu
— Le Monde (@lemondefr) June 7, 2021
Il est également prévu que M. Johnson et le président Biden conviendront jeudi de lancer un groupe de travail pour faire des recommandations sur la reprise en toute sécurité des voyages internationaux.
Etape 2 : sommet du G7
Le président Biden fera ensuite étape dans le village balnéaire de St. Ives en Cornouailles où il participera au sommet du G7, sous présidence britannique. La réunion devrait être dominée par la gestion de la pandémie de Covid-19, la taxation numérique, le financement de la lutte contre le réchauffement climatique et de la protection des normes démocratiques face à la Chine et à la Russie. Joe Biden devrait y avoir un entretien bilatéral avec Emmanuel Macron, leur premier contact en “présentiel“.
L’annonce d’un accord sur le don de 500 millions de doses de vaccins
Le président américain vient également en Europe avec un geste de bonne volonté : l’annonce prévue que les États-Unis achèteront et donneront 500 millions de doses de vaccin contre le coronavirus Pfizer Inc/BioNTech (PFE.N), (22UAy.DE) à environ 100 pays au cours des deux prochaines années. Le locataire de la Maison Blanche fera cette annonce dès ce jeudi. “Nous devons mettre fin à Covid-19, pas seulement à la maison, ce que nous faisons, mais partout“, a t-il déclaré aux troupes américaines après avoir atterri à RAF Mildenhall dans le Suffolk. “Il n’y a pas de mur assez haut pour nous protéger de cette pandémie ou de la prochaine menace biologique à laquelle nous sommes confrontés, et il y en aura d’autres. Cela nécessite une action multilatérale coordonnée.“
Un autre point central de ce sommet sera la Chine. Biden et les autres dirigeants du G-7 annonceront un programme de financement des infrastructures pour les pays en développement, destiné à concurrencer directement l‘initiative Belt-and-Road de Pékin, souvent comparée à un Plan Marshall du 21ème siècle. Le gazoduc russe Nord Stream 2 sera également à l’ordre du jour lorsque Biden rencontrera des responsables allemands. L’administration Biden s’oppose à ce dernier d’un coût de 11 milliards de dollars, mais l’Allemagne veut qu’il soit terminé.
Une rencontre avec la reine Elisabeth II
Après trois jours de sommet du G7, Joe Biden et son épouse, Jill, se rendront au château de Windsor pour y rencontrer la reine Elizabeth. Donald Trump avait rendu visite à la souveraine en 2019 et Barack Obama en 2009 et 2011. Joe Biden, a rencontré la souveraine en 1982 alors qu’il était sénateur américain du Delaware.
Etape 3 : sommet de l’OTAN
Direction Bruxelles au 4ème jour, pour des entretiens avec les dirigeants de l’OTAN et de l’Union européenne. L’ordre du jour devrait être dominé par la Russie, la Chine, le retrait des troupes d’Afghanistan et l’avenir de l’alliance militaire des 30 pays, notamment l’éternelle question d’amener les alliés de l’OTAN à contribuer davantage à la défense commune.
Un message rassurant est attendu du président américain, là où Donald Trump était passé maître dans la critique de l’organisation et notamment de son financement. Le président républicain avait en effet rejeté l’OTAN, qualifié d’obsolète, appelé ses pays membres “resquilleurs“ , et au premier chef, refusé d’approuver explicitement le principe fondamental de défense mutuelle de l’OTAN.
S’adressant à son arrivée aux troupes américaines stationnées à la base de la Royal Air Force Mildenhall, Joe Biden a souligné l’engagement des États-Unis envers l’alliance de l’OTAN, mais a déclaré que l’organisation devait moderniser et étendre ses cybercapacités.
Côté européens, on souhaite une plus grande “autonomie stratégique“, moins dépendante du leadership américain, tout en appelant de ses voeux une concertation étroite avec Washington. Les dirigeants de l’OTAN devraient commander un effort d’un an pour remodeler le concept stratégique de l’alliance afin de relever les nouveaux défis en matière de cyberguerre, d’intelligence artificielle, de défense antimissile, de désinformation et de nombreux autres problèmes. Les relations transatlantiques ne devraient pas pour autant retrouver facilement leur statut d’avant Trump.
Biden values allies Trump disdained, but that won’t make relations easy. pic.twitter.com/8Y4PwMFNyq
— Gomzzi (@GomzziJr) June 9, 2021
Le locataire de la Maison Blanche rencontrera séparément à Bruxelles le président turc Erdogan avec lequel il entend remettre la relation à plat, notamment sur la sincérité du partenariat de la Turquie, qui abrite des bases américaines de l’OTAN mais s’est dotée d’un système de défense anti-missile russe.
Etape 4 : rencontre du président russe, Vladimir Poutine
Ce sera leur premier tête-à-tête et sans doute le point culminant de la tournée européenne de Biden. Le président américain rencontrera son homologue russe Vladimir Poutine le 16 juin à Genève, en Suisse, a annoncé la Maison Blanche. Ce rendez-vous intervient dans un climat de vives tensions entre Washington et Moscou, sur fond d’échanges de sanctions et d’accusations. L’attachée de presse de la Maison Blanche, Jen Psaki, a déclaré que les deux dirigeants “discuteraient de toute la gamme des problèmes urgents, alors que nous cherchons à restaurer la prévisibilité et la stabilité des relations américano-russes“.
Mercredi soir, le président américain a toutefois marqué son intention de dire à son homologue russe “ce que je veux qu’il sache“ . Et répété son avertissement : “Nous ne cherchons pas à entrer en conflit avec la Russie“, a déclaré le président démocrate ce jeudi au début de sa visite de huit jours en Europe. “Nous voulons une relation stable et prévisible … mais j’ai été clair: les États-Unis réagiront de manière robuste et significative si le gouvernement russe s’engage dans des activités préjudiciables.“
Ce sommet avec Poutine sera l’occasion de soulever directement auprès du dirigeant russe les inquiétudes des États-Unis concernant les attaques de ransomwares émanant de la Russie, l’agression de Moscou contre l’Ukraine et une foule d’autres questions.
Les cyberattaques seront abordées lors de la rencontre entre Joe #Biden et Vladimir #Poutine à #Geneve pic.twitter.com/BAlQcW0oWm
— Figaro Live (@Figaro_Live) June 3, 2021
Au menu des discussions également, l’interdiction par la Russie du groupe d’opposition d’Aleksei A. Navalny qualifié d’extrémiste par un tribunal russe mercredi. La décision a accru les enjeux du sommet de Genève pour M. Biden, qui a promis de repousser les violations des normes internationales par M. Poutine. S’adressant aux troupes américaines basées à la base de la Royal Air Force Mildenhall, le président américain a affirmé au sujet de sa rencontre avec Poutine, qu’il “lui ferait savoir ce que je veux qu’il sache“.