Présidentielle américaine : mode d’emploi d’un scrutin atypique

Le mardi 5 novembre, plus de 240 millions d’Américains sont appelés aux urnes pour désigner leur 47e président. Une élection parfois complexe vu de l’autre côté de l’Atlantique. Recours à un collège de grands électeurs, swing states, règle du winner-take-all…. Décryptage de la mécanique électorale yankee.

 

Donald Trump le républicain ou Kamala Harris la démocrate ? Qui résidera à la Maison Blanche pour les quatre prochaines années ? Le mardi 5 novembre, plus de 240 millions d’américains vont départager les deux candidats, au coude-à-coude dans les sondages, aussi bien au niveau national que dans les États clés. Mais attention, rien de similaire au mode de scrutin de la présidentielle française. L’élection présidentielle américaine est en effet une élection au suffrage universel indirect.

Un collège de 538 grands électeurs

Si les “ballot“, les fameux bulletins de vote, portent bien le nom des candidats à la présidence, les électeurs américains ne votent pas directement pour eux. Concrètement, ils cochent sur leur bulletin la case correspondant au candidat de leur choix. Mais dans les faits, les citoyens désignent les 538 grands électeurs qui composent le collège électoral et voteront en leur nom à l’issue d’un long processus. Pour être élu président, un candidat a besoin de la moitié du total des voix de grands électeurs, plus une, pour remporter l’élection. Concrètement, il doit donc avoir recueilli 270 voix. En cas d’égalité des voix entre les deux candidats, il reviendra à la Chambre des représentants de désigner le nouveau président (et au Sénat de choisir le vice-président).

Une particularité inscrite dans la Constitution américaine (art. 2 Section 1), qui remonte aux origines. En 1787, au moment de la rédaction de la Constitution, les Pères fondateurs des États-Unis ont fait le choix d’une élection indirecte du Président des États-Unis, redoutant les distorsions qu’un poids démographique aurait donné au vote, en favorisant les États les plus peuplés.

Compte tenu de ce mode de scrutin, un candidat peut obtenir la plus grande part des suffrages populaires au niveau fédéral mais ne pas décrocher de majorité au Collège électoral des grands électeurs. C’est arrivé à cinq reprises, dont deux fois au cours des six dernières élections présidentielles. En 2016, par exemple, Hillary Clinton avait remporté 2,89 millions de voix de plus que Donald Trump. En 2000, le démocrate Al Gore avait glané environ 550.000 voix de plus que George W. Bush, etc…

Comment sont répartis les grands électeurs ?

Créé par le 12e amendement de la Constitution, le Collège électoral se compose de 538 grands électeurs, répartis dans les 51 états.  Chaque Etat se voit ainsi attribuer un nombre de grands électeurs soit un total de 535 personnes qui correspond au nombre de sénateurs (100, soit deux par Etats) et d’élus à la Chambre des Représentants (435, répartis en fonction de la population de l’Etat). A ces 535 grands électeurs, il faut en ajouter 3 rattachés Washington D.C., la capitale, qui ne dispose pas de représentants au Congrès.

Il découle de ce système que les Etats les plus peuplés déterminent largement le cours du scrutin présidentiel. Selon le recensement de 2020, qui sert de référence pour cette élection présidentielle, le Texas a ainsi gagné deux voix supplémentaires au Congrès et donc au collège électoral pour la prochaine décennie (40 grands électeurs), tandis que le Colorado (10), la Floride (30), le Montana (4), la Caroline du Nord (16) et l’Oregon (8) ont chacun gagné un siège. En revanche, sept Etats ont perdu une voix chacun : la Californie (54), l’Illinois (19), le Michigan (15), New York (28), l’Ohio (17), la Pennsylvanie (19) et la Virginie-Occidentale (4).

 

La règle du “Winner Takes It All

La règle du winner-take-all (Le vainqueur remporte tout) veut que, indépendamment de l’écart entre les candidats, c’est celui arrivé en tête qui remporte la totalité des grands électeurs en jeu. Par exemple, si Kamala Harris devance Donald Trump en Floride avec 50,1 % des voix contre 49,9 % au républicain, ce sera tout de même elle qui raflera les 29 grands électeurs en jeu dans cet Etat. Cette règle s’applique dans 48 des 51 États américains ainsi que dans le district fédéral. Seuls les états du Maine et du Nebraska ont adopté un système différent basé sur la proportionnelle, depuis 1992 pour le premier et 1972, pour le second.

  • Le Maine attribue deux de ses quatre grands électeurs au vainqueur à l’échelle de l’Etat, mais attribue également un grand électeur au vainqueur du vote populaire dans chacune de ses deux circonscriptions du Congrès.

  • Le Nebraska attribue deux de ses cinq grands électeurs au vainqueur à l’échelle de l’Etat, les trois autres étant attribués au vainqueur du vote populaire dans chacune de ses trois circonscriptions du Congrès.

Compte les démocrates n’ont aucun intérêt à faire campagne en Californie, où ils gagnent avec une très importante marge depuis 1976, ni dans les Etats de New York ou de Washington, qui leur sont historiquement acquis. En sens inverse, les républicains peuvent compter sur une grande partie des Etats du centre du pays, même s’il arrive que les équilibres changent : ainsi, au Texas, terre républicaine depuis 1980, l’avance du Grand Old Party (GOP), autre nom du Parti républicain, diminue d’élection en élection (5,6 points de pourcentage en 2020).

Ces 7 états qui vont faire l’élection

Comme en 2020, l’élection présidentielle américaine semble partie pour se jouer à quelques dizaines de milliers de voix près dans une poignée d’Etats particulièrement disputés, où Donald Trump et Kamala Harris concentrent leurs ultimes efforts de campagne. Si certains sont d’inamovibles swing states, la liste de ces États pivots a évolué avec le temps. Pour l’élection de novembre 2024, sept d’entre eux sont considérés comme étant les plus susceptibles de décider de l’issue de la présidentielle américaine : l’Arizona, la Georgie, le Michigan, le Nevada, la Caroline du Nord, la Pennsylvanie et le Wisconsin. Dans ces Etats indécis, les sondages donnent démocrates et républicains au coude-à-coude. A l’inverse, dans le reste du pays, l’issue du scrutin est bien plus prévisible, avec des Etats qualifiés de “rouge“, acquis à Donald Trump, ou “bleus“, penchant pour Kamala Harris.

Aperçu des “champs de bataille“

Selon la dernière série de sondages du New York Times et du Siena College publiée le 3 novembre, Mme Harris est désormais en tête dans le Nevada, en Caroline du Nord et dans le Wisconsin, tandis que M. Trump est en tête en Arizona. Les sondages montrent que les deux candidats sont en tête dans le Michigan, en Géorgie et en Pennsylvanie. Mais les résultats dans les sept États se situent dans la marge d’erreur d’échantillonnage, ce qui signifie qu’aucun des deux candidats n’a une avance définitive dans aucun d’entre eux.

L’Arizona : Donald Trump a remporté l’Arizona en 2016 avec près de 4 points de pourcentage d’avance, mais a perdu l’État face à Joe Biden en 2020 avec moins d’un demi-point de pourcentage d’avance. Le sondage NYT/Siena college donne une avance de 4 points à l’ancien président (49%-45%).

La Géorgie : Donald Trump a remporté la Géorgie en 2016 avec une avance d’environ 5 points de pourcentage, mais a perdu face à Joe Biden en 2020 par moins de 12 000 voix. Cette année, la course est serrée, Trump (47%) et Harris (48%) étant à égalité statistique dans les sondages.

Le Michigan : Donald Trump a remporté le Michigan en 2016, surprenant les démocrates dans un État que les républicains n’avaient pas remporté depuis 1988. Joe Biden y a gagné en 2020, devançant Trump de 3 points de pourcentage. Avec Kamala Harris et Trump à égalité statistique (47%-47%), le scrutin est indécis.

Le Nevada : les démocrates ont remporté le Nevada lors des deux dernières élections présidentielles, mais les sondages et les tendances de vote dans l’État en ont fait une cible attrayante pour Donald Trump dans sa tentative de faire basculer les États en sa faveur. L’ancien président accuse un retard de 3 points (46%), face à Me Harris (49%).

La Caroline du Nord n’a pas voté pour un démocrate à la présidence depuis 2008, mais la campagne de Kamala Harris l’a ciblé comme un État qu’elle peut gagner, soutenue par sa forte population noire. Donald Trump y a gagné en 2016 avec 3 points de pourcentage d’avance et en 2020 avec 1 point de pourcentage d’avance. Selon le dernier sondage NYT/Siena college, deux points d’écart séparent les deux candidats (Trump 46%-Harris 48%).

La Pennsylvanie apparaît comme l’État le plus décisif pour les élections de 2024. Donald Trump a remporté l’État avec moins d’un point de pourcentage d’avance en 2016 et l’a perdu d’environ un point de pourcentage en 2020. Kamala Harris y est restée compétitive. Les deux candidats y sont en parfaite égalité (48%-48%).

Le Wisconsin enfin est un État clé où les démocrates et les républicains ont souvent des chances indécises. Donald Trump y a gagné en 2016 avec moins d’un point de pourcentage d’avance. Joe Biden y a gagné en 2020, également avec moins d’un point de pourcentage d’avance. Me Harris y enregistre deux points d’avance (49%) sur M. Trump (47%).

En raison de l’incertitude des résultats dans ces swing states, l’issue du scrutin est imprévisible. D’après la majorité des sondages qui prédisent les votes populaires à l’échelle nationale, Harris et Trump sont au coude-à-coude, avec un point d’avance pour la candidate démocrate (49%) par rapport au républicain (48%).

Les autres élections

Le 5 novembre, les Américains éliront non seulement un président, mais aussi 468 membres du Congrès : 34 sénateurs et la totalité des 435 sièges de la Chambre des représentants. Ils participeront aussi à une foule de scrutins locaux : élections de gouverneurs dans 11 Etats et deux territoires, de procureurs généraux dans 10 Etats, de maires, sans compter les référendums locaux, etc. Des propositions de lois et de politiques locales ou nationales ainsi que des initiatives de vote citoyennes peuvent également être soumises au vote ce jour-là.

 

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