Le prochain président des Etats-Unis ne devrait pas être connu au matin du 4 novembre. Il pourrait même ne pas être dévoilé avant des jours, voire des semaines. En cause, le vote par correspondance choisi par des millions d’américains en raison de la pandémie de Covid-19. Comment pourrait-il bouleverser l’élection. Explications.
Il va falloir s’armer de patience pour savoir si Donald Trump reste à la Maison Blanche ou si son adversaire démocrate, Joe Biden, y emménage. Habituellement, les médias font état d’un vainqueur dans la nuit qui suit le vote, dès qu’ils estiment que l’un des candidats s’est assuré 270 des 538 grands électeurs.
Le vote par correspondance est une norme aux Etats-Unis. En 2016, 33 millions d’Américains y ont eu recours sur les 146 millions d’électeurs que compte le pays. Mais cette année, la pandémie de Covid-19 a incité quelques 91 millions d’Américains a demander un bulletin de vote par voie postale. Dimanche 1er novembre, ils étaient près de 65 millions à avoir déjà voté par ce biais. Un record. Or cet afflux de bulletins de vote par correspondance va rendre très difficile de voir qui est en tête dès le 3 novembre au soir.
Une grande disparité des règles
Différents états ont des règles différentes pour savoir comment – et quand – compter les bulletins de vote par correspondance, ce qui signifie qu’il y aura de grands écarts entre eux en termes de communication des résultats. Certains États, comme la Floride et l’Arizona, ont commencé le pré-traitement des bulletins de vote des semaines avant le 3 novembre. D’autres, comme le Wisconsin et la Pennsylvanie qui font partie des “swing states“ déterminants, n’autorisent pas le traitement des votes anticipés jusqu’au jour du scrutin. Ce qui repousse le décompte des votes dans ces états.
Des premiers décomptes qui peuvent être trompeurs
Pour ajouter à la confusion, les États diffèrent dans leurs délais d’acceptation des bulletins de vote par correspondance. Alors que certains États comme la Californie accepteront les votes tant qu’ils sont envoyés le jour de l’élection, même s’ils arrivent des semaines plus tard, la plupart des États ne compteront que les bulletins de vote reçus avant la fermeture des bureaux de vote, le jour du scrutin. Seuls vingt-deux États et le district de Columbia autorisent l’arrivée des bulletins de vote oblitérés après le jour du scrutin. La façon dont certains États traitent les votes est donc susceptible de fausser les premiers décomptes :
- dans les états qui attendent le jour du scrutin pour traiter les votes par correspondance, les chiffres initiaux sont susceptibles de favoriser le président Trump car davantage de républicains devraient voter en personne le jour du scrutin et ces votes seront plus rapides à compter.
- Dans les états qui procèdent aux votes anticipés avant le jour des élections, les chiffres initiaux devraient favoriser M. Biden, car plus de démocrates enregistrés que de républicains ont voté tôt
C’est pourquoi les responsables électoraux ont averti que les premiers résultats pourraient ne pas donner une image complète du résultat du scrutin.
Une possible augmentation artificielle du nombre de bulletins
L’augmentation du vote par correspondance pourrait également conduire à davantage de votes provisoires, augmentant ainsi le nombre de bulletins comptés plus tard. Dans de nombreux États, les électeurs dont l’éligibilité au vote est mise en doute lors des urnes peuvent voter à titre provisoire. Un vote annulé et compté uniquement lorsque l’éligibilité est confirmée ultérieurement. Habituellement, le nombre de votes provisoires n’est pas assez important pour être significatif, mais le vote par correspondance de millions d’américains, montre que cette élection peut être différente.
La porte ouverte à des recours judiciaires
Le principe même du vote par correspondance se prête particulièrement bien aux recours judiciaires. Certains bulletins peuvent être abîmés ; les électeurs peuvent abréger leur nom ou se tromper d’adresse ; l’enveloppe peut n’être pas refermée correctement… Autant de défauts qui constituent une base pour des avocats déterminés à prouver que ces votes ne sont pas valides.
Pour parer à cette éventualité, le candidat démocrate Joe Biden a mis en place une armée d’avocats, explique le quotidien “The Guardian“ , qui se tiennent prêts à riposter aux attaques juridiques du camp Trump. “Il y aura un décompte la nuit après l’élection, le résultat du décompte va changer au cours du temps, et les résultats finaux vont être contestés en tant que faux, frauduleux – choisissez votre terme“, affirme ainsi un conseiller républicain au magazine “The Atlantic“.
Biden assembles army of attorneys for post-election legal fight https://t.co/ph79VKLdDl
— The Guardian (@guardian) September 16, 2020
Enfin, depuis des semaines, le président Trump et ses alliés jettent les bases pour contester les résultats des élections s’il perd. Dans les derniers jours de la campagne, a tenté de délégitimer de manière préventive les bulletins de vote comptés après le 3 novembre. “Les élections devraient se terminer le 3 novembre, pas des semaines plus tard!“ Il a tweeté vendredi, deux jours après avoir déclaré aux journalistes du Nevada: “Espérons que les quelques États restants qui veulent prendre beaucoup de temps après le 3 novembre pour compter les bulletins de vote, ce ne sera pas autorisé par les différents tribunaux“.
The Election should end on November 3rd., not weeks later!
— Donald J. Trump (@realDonaldTrump) October 30, 2020