Procès en destitution de Trump : A quoi s’attendre ?

Un an après un premier procès en destitution historique, Donald Trump est de nouveau jugé devant le Sénat à partir de ce mardi. De quoi l’ex-président est-il accusé ? Quel est l’intérêt d’un tel procès ? Comment va t-il se dérouler ? Quelle est la ligne de défense de Trump ? Peut-il être condamné ? … Ce qu’il faut savoir sur cet évènement inédit à plus d’un titre.

Malgré son départ de la Maison Blanche, il va être de nouveau au centre de la vie politique américaine à partir de ce mardi. Ce 9 février, s’ouvre en effet devant le Sénat le deuxième procès en destitution de Donald Trump, accusé d’“incitation à l’insurrection“, un mois après l’assaut du Capitole qui a provoqué le décès de cinq personnes. Après sa mise en accusation par la Chambre des représentants, le 45ème président des Etats-Unis va devoir répondre de ses actes au cours de la journée du 6 janvier, alors même qu’il n’est plus en fonction.

Sur quelle base s’appuie la demande de destitution ?

Donald Trump est accusé d’incitation à l’insurrection à la suite de l’émeute du 6 janvier au Capitole américain. Dans un discours prononcé ce jour-là devant la Maison Blanche, le président américain avait exhorté ses partisans à marcher vers le Capitole, alors que le Congrès se préparait à certifier la victoire électorale de Joe Biden. “Le président Trump a gravement mis en danger la sécurité des États-Unis et de ses institutions gouvernementales“ peut-on lire, dans l’acte de mise en accusation de quatre pages, voté le 13 janvier par la Chambre des représentants par 232 voix “pour“, dont celles de 10 républicains et 197 “contre“.

Comment va se dérouler le procès ?

La responsabilité de présider le procès en destitution de l’ancien président Donald Trump, incombera au sénateur Patrick Leahy devenu le président “pro tempore“ (intérimaire) du Sénat en janvier, et non au juge en chef  des Etats-Unis, John Roberts comme c’est le cas pour un président en exercice. “Le président pro tempore a toujours présidé les procès de destitution au Sénat de non-présidents“, a déclaré à ce titre Leahy dans un communiqué annonçant son nouveau rôle.

Le procès qui se tiendra dans la salle dans laquelle les insurgés sont entrés le 6 janvier, commencera très probablement mardi par un débat formel et un vote sur la constitutionnalité du jugement d’un ancien président après son départ. Suivra ensuite l’exposé, par chaque partie, de ses arguments. Les procureurs et l’équipe de défense de Trump disposeront d’un certain temps pour argumenter, puis les sénateurs pourront leur poser des questions par écrit avant un vote final. Comme en 2020, ce deuxième procès en destitution sera diffusé en direct sur les principales chaînes de télévision américaines.

La durée

Contrairement à la première mise en accusation de Trump en 2020, ce second procès en destitution devrait être mené tambours battants. Aucune des parties n’a d’intérêt à ce qu’il s’éternise. Côté démocrates, on souhaite l’expédier rapidement, afin de ne pas trop empiéter sur les débuts du mandat de Joe Biden et la nécessité pour ce dernier d’avoir des sénateurs pleinement mobilisés pour mener à bien ses réformes.

Les Républicains pour leur part, cherchent à se débarrasser au plus vite d’une situation qui ne fait que mettre en exergue leurs divisions internes. Le procès devrait s’interrompre vendredi soir et se réunir de nouveau dimanche pour honorer le sabbat à la demande des avocats de M. Trump, ce qui signifie qu’il pourrait se terminer dès la semaine prochaine, plus rapidement que tout procès de destitution impliquant un président de l’histoire américaine.

La défense de Trump

Contrairement au premier procès en destitution en 2020, où de brillants juristes et des stars du barreau s’étaient succédé pour défendre Donald Trump, le milliardaire américain a peiné à constituer sa défense. Après une vague de démissions, il a recruté deux avocats, plutôt controversés.

Le premier, Bruce Castor, 59 ans, un ancien procureur de Pennsylvanie, est connu pour avoir refusé d’inculper le comédien Bill Cosby, accusé de multiples agressions sexuelles. Le second, David Schoen, 62 ans, consultant judiciaire pour la chaîne de télé ultraconservatrice Newsmax, s’est dit à plusieurs reprises convaincu que le financier Jeffrey Epstein, accusé d’exploitation sexuelle de mineures, ne s’est pas suicidé dans sa cellule en 2019. Aucun des deux n’a travaillé avec l’autre auparavant, et on ne sait toujours pas qui a la primauté en tant qu’avocat principal de l’équipe.

Invité à témoigner sous serment “entre le lundi 8 et le jeudi 11 février, à un horaire et dans un lieu qui conviennent à tous“, Donald Trump a quant à lui répondu par la négative par le biais de ses avocats.

Le démocrate Jamie Raskin, qui jouera le rôle de procureur lors des audiences, a estimé dans un communiqué que le refus de Donald Trump de témoigner “en disait long“ et établissait “de toute évidence une conclusion défavorable appuyant sa culpabilité“.

Les démocrates pourraient théoriquement assigner l’ancien président à comparaître, une décision qui pourrait alors être contestée en justice par l’intéressé. L’ancien locataire de la Maison Blanche pourrait par ailleurs invoquer le 5e amendement de la constitution américaine, qui lui permettrait de ne pas devoir témoigner contre lui-même (auto-incrimination)  et ne répondre à aucune question.

Quelle ligne de défense ?

A la veille de ce second procès en destitution, les avocats assurant la défense de M. Trump, ont a qualifié ce dernier de “théâtre politique“.

Dans un mémoire de 78 pages soumis au Sénat, les avocats de l’ancien président ont présenté leur première défense juridique soutenue. Ils axent leur défense autour de deux points : d’une part, l’inconstitutionnalité de la procédure engagée contre Donald Trump et d’autre part, le fait que ce dernier n’a fait qu’exercer son droit garanti par le premier amendement de la Constitution.

Un procès contraire à la Constitution

Sur la forme, le milliardaire républicain et ses avocats s’appuient sur son départ de la Maison-Blanche, le 20 janvier, pour soutenir que le procès est contraire à la Constitution. C’est leur premier axe de défense. Les sénateurs peuvent, selon eux, démettre un président en exercice, mais pas juger un simple citoyen. “La Constitution exige qu’une personne soit de fait en fonction“ pour être visée par une procédure de destitution, ont estimé Bruce L. Castor Jr. et David I. Schoen dans leur réponse à l’acte de mise en accusation. “Le Sénat ne peut pas démettre de ses fonctions le 45e président dont le mandat a expiré“, expliquent-ils.

Un argument rejeté par l’accusation démocrate qui rétorque qu’un ancien ministre a déjà été jugé dans ce cadre, et qu’il faut condamner Donald Trump pour le rendre inéligible et pour “dissuader les prochains présidents de provoquer des violences afin de rester au pouvoir.

Un droit garanti par le premier amendement

Sur le fond,  l’équipe de défense de Trump estime que  l’ancien président “a exercé son droit garanti par le premier amendement de la Constitution d’exprimer son opinion selon laquelle les élections étaient suspectes“. “Les preuves sont insuffisantes pour permettre à un juriste raisonnable de conclure si les déclarations [de Donald Trump] étaient vraies ou pas“, expliquent-ils. “Si le fait de provoquer des émeutes insurrectionnelles contre une session conjointe au Congrès après avoir perdu une élection n’est pas un crime valant une destitution, il est difficile d’imaginer ce qui pourrait l’être“, ont estimé pour leur part les procureurs démocrates.

Lors du procès, ses avocats devraient concentrer l’essentiel de leurs arguments à ce débat juridique, pour éviter d’avoir à défendre les tweets et diatribes enflammées de l’ancien président. Ils ne devraient également pas soutenir la thèse de la fraude électorale massive, comme le souhaitait Donald Trump. David Schoen a souligné au Washington Post qu’il ne plaiderait pas cette ligne de défense.

Quel argumentaire pour l’accusation ?

Les neuf procureurs démocrates responsables de la mise en accusation ont publié leur argumentaire mardi dernier. Ils estiment que Donald Trump s’est rendu coupable d’une “trahison d’une ampleur historique“, pour avoir “incité une foule violente à attaquer le Capitole des Etats-Unis“ et s’être accroché au pouvoir.

Les preuves de la conduite du président Trump sont accablantes“, écrivent-ils. “Il est impossible d’imaginer que les événements du 6 janvier se soient produits sans que le président ait créé une poudrière, allumé une allumette puis cherché à tirer personnellement profit du chaos qui a suivi“, poursuivent-ils. “ Il n’a aucune excuse ou défense valable pour ses actes. Et ses efforts pour échapper à la responsabilité sont totalement vains.“ Leur argumentaire de 77 pages s’appuie sur de nombreuses images vidéos, qui devraient servir de pièces à conviction lors du procès, montrant selon l’accusation comment Donald Trump a incité la foule à la violence.

Donald Trump peut-il être condamné ?

Une condamnation au Sénat de l’ancien président apparaît à ce stade peu probable car le magnat de l’immobilier y compte encore des soutiens clés. Certes, les démocrates contrôlent désormais le Congrès, mais Mais leur majorité est extrêmement fragile à la chambre haute. Pour que Donald Trump soit jugé coupable, il faudrait que deux tiers des 100 sénateurs choisissent cette option.

Or, le Sénat est constitué de 50 sénateurs démocrates et de 50 républicains. Concrètement, il faudrait donc que 17 sénateurs républicains basculent et votent contre le milliardaire américain. Or, pour l’heure, ils ne sont que cinq à avoir opté pour cette voie: Mitt Romney (Utah), Susan Collins (Maine), Lisa Murkowski (Alaska), Ben Sasse (Nebraska) et Pat Toomey (Pennsylvanie).“Je pense qu’il est plutôt clair, au regard de ce vote, qu’il est hautement improbable que le président Trump soit condamné“, a souligné la sénatrice républicaine du Maine, en ajoutant : “Il n’y a qu’à faire le calcul.“

Si l’ancien locataire de la Maison-Blanche était déclaré coupable, ce qui est très peu probable, un second vote au Sénat à la majorité simple permettrait alors de le rendre inéligible à vie. Ce qui l’empêcherait notamment de pouvoir se présenter pour un nouveau mandat présidentiel en 2024.

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