Sept députés et sept sénateurs réunis en commission mixte paritaire vont tenter de trouver, ce mercredi, un compromis sur le projet de loi de réforme des retraites. Si le camp présidentiel et la droite semblent avoir la main sur cette commission, rien n’est gagné. Quelles sont les points du texte sur lesquels se joue cette CMP ? Quelle peut en être l’issue ? Le spectre d’un 49-3 peut-il refaire surface ? Explications.
L’avenir de la réforme des retraites se décidera-t-il ce mercredi 15 mars, en commission mixte paritaire (CMP). Après le vote du texte par le Sénat dans la nuit du 8 au 9 mars, par recours à la procédure du vote bloqué (art. 44.3 de la Constitution), c’est en effet à à huis clos que le destin de la réforme du gouvernement va se jouer. Quatorze parlementaires, sept députés et de sept sénateurs, vont tenter de se mettre d’accord sur un texte commun.
Une composition qui favorise un accord
Les commissions mixtes paritaires sont composées en fonction de l’effectif des différents groupes politiques – proportionnellement au nombre de leurs élus – au sein de chacune des deux Chambres du Parlement. La majorité présidentielle et la droite disposeront de 10 des 14 sièges au sein de cette commission. Côté Assemblée, trois pour le groupe Renaissance, un pour le Modem. Les Républicains (LR), le Rassemblement national et La France insoumise en ont également un chacun. Côté Sénat, les sénateurs LR auront trois sièges, les socialistes deux, les centristes et le groupe macroniste (RDPI, membre de Renaissance) un chacun.
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Dans une telle configuration, sur les 14 parlementaires de la CMP, seuls 4 seraient a priori opposés à la réforme. Un accord entre la majorité présidentielle et la droite garantirait donc un accord sur le texte. “Il y a bon espoir que la CMP soit conclusive car ceux qui la composent sont majoritairement pour la réforme et pour respecter l’équilibre financier“, note un conseiller ministériel qui suit le sujet. L’issue d’une commission mixte paritaire n’est cependant jamais joué d’avance. “Une CMP, ce n’est jamais évident en fait. Chacun arrive avec ce qu’il veut défendre“, explique la sénatrice centriste Elisabeth Doineau, rapporteure générale de la commission des affaires sociales et membre de la CMP.
Sur quels points du texte ?
Jusqu’au dernier moment, Matignon poursuit son travail préparation de la CMP pour maximiser ses chances jeudi. Une réunion de calage avec les membres de la commission de la majorité a eu lieu hier, en fin d’après-midi. Article par article, amendement par amendement… députés et sénateurs ont passé au crible les points chauds du texte et relevé ceux sur lesquels ils pourraient obtenir un accord avec les LR des deux chambres. La retraite des femmes avec une surcote pour certaines d’entre elles a été mise sur la table, tout comme le CDI seniors, retenu sur le principe mais renvoyé à la future loi Travail. La question des carrières longues a également été débattue et identifiée comme un point de négociation. Un sujet dont Les Républicains veulent faire “un marqueur“.
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Deux issues possibles
Un compromis émerge
En cas d’accord lors de la commission mixte paritaire, le texte devra alors être validé par un vote des sénateurs et des députés. Dans cette hypothèse, les conclusions de la CMP devront être soumises au vote des deux chambres jeudi 16 mars : au Sénat le matin, puis à l’Assemblée. A ce stade de la procédure, la possibilité de toucher encore au projet de loi est très limitée. Le texte de la CMP ne pourra en effet être amendé qu’avec l’accord du gouvernement. “Cela réduit les possibilités d’obstruction“, explique le politologue Olivier Rozenberg. Si l’Assemblée nationale et le Sénat adoptent le texte issu de la CMP, la réforme des retraites sera alors définitivement adoptée par le Parlement.
Un compromis semble probable comme y croit le chef de file des sénateurs LR, Bruno Retailleau, en raison des accords sur cette réforme des retraites entre la majorité présidentielle à l’Assemblée et la majorité de droite sénatoriale. Le vote du texte est un enjeu de crédibilité des institutions et des représentants politiques pour le sénateur de la Vendée. “N’abîmons pas ce qui nous reste comme institution parlementaire en France, parce que sinon, c’est la porte ouverte à l’antiparlementarisme“, plaide t-il.
La survenue d’un accord en CMP est presque toujours une garantie d’adoption définitive du projet ou de la proposition de loi.Depuis 2000, seules deux lois ont été rejetées lors du vote sur le texte de compromis adopté en commission mixte paritaire : en 2009, la loi “favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet“ et en 2012, la loi “relative à la protection de l’identité“
La CMP n’aboutit pas
Si aucun accord n’est trouvé en commission mixte paritaire, la procédure législative sera alors rallongée : dans le cadre de la navette parlementaire, le projet de loi reviendra en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale, puis au Sénat, et enfin à l’Assemblée si les deux versions du texte n’ont toujours pas convergé.
En l’absence de texte commun adopté par la CMP, la situation pourrait se compliquer pour le gouvernement. Les parlementaires auront en effet alors la possibilité de déposer de nouveaux amendements, s’ils ne portent pas sur des dispositions pour lesquelles l’Assemblée et le Sénat se sont déjà prononcées. En clair, les oppositions, notamment les groupes de la Nupes, pourront de nouveau tenter de ralentir l’examen final du texte. D’autant que le calendrier est serré. Le Parlement aura en effet cinquante jours au total, c’est-à-dire jusqu’au 26 mars, pour se prononcer sur le texte. A défaut, le gouvernement aura la possibilité, comme le prévoit l’article 47-1 de la Constitution, de mettre en œuvre la réforme par ordonnances.
Le spectre d’un nouveau 49-3
En l’absence de compromis trouvé en CMP, la possibilité d’un nouveau 49-3 refera surface. Avec 250 sièges (Renaissance, MoDem, Horizons), le camp présidentiel a théoriquement besoin d’une quarantaine de voix d’appoint pour avoir la majorité. Or, malgré les efforts du patron des LR, Éric Ciotti, favorable à la réforme, le vote des 61 députés du groupe LR reste insaisissable. Une équation d’autant plus compliqué que la majorité ne fait pas le plein dans son propre camp. Entre trois et cinq députés Renaissance sont encore hésitants sur leur vote.
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“Je pense qu’il vaut mieux ne pas avoir recours au 49-3 (…). Le gouvernement doit tout faire pour ne pas l’utiliser mais au bout du compte si il y a un soucis, il devra l’utiliser“, a affirmé dimanche Bruno Retailleau. Reste que l’emploi du 49.3 sur un texte aussi emblématique serait politiquement difficile à défendre pour l’exécutif. Si elle était adoptée via cet article, la réforme des retraites aurait “un vice démocratique“ a prévenu Laurent Berger, patron de la CFDT, sur France Inter. Cela peut “mettre le feu aux poudres“, a abondé son homologue de la CGT, Philippe Martinez, sur France 2.