Réforme des retraites : le dernier round

La proposition de loi Liot qui vise à abroger la retraite à 64 ans doit être débattue ce jeudi à l’Assemblée. Mais c’est un texte “mort né“ vidé de sa substance qu’examineront les députés, après la décision de Yaël Braun-Pivet de déclarer irrecevables, les amendements visant à rétablir la mesure d’abrogation.

Au lendemain de la quatorzième journée de mobilisation, la réforme des retraites va connaître ce jeudi l’un de ses derniers rebondissements avec l’examen dans l’hémicycle de la proposition de loi du groupe Liot  visant à abroger le recul de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Mais c’est un texte vidé de sa substance que vont examiner les députés. Le 31 mai dernier, la commission des affaires sociales de l’Assemblée a a en effet adopté une version du texte réduite à peau de chagrin, après la suppression de sa mesure phare, l’article premier.

Dénonçant tout à la fois la méthode ayant consisté à vider le texte de sa mesure phare et l’impossibilité pour les députés de la Nupes de défendre les centaines de sous-amendements qu’ils avaient déposés, le groupe Libertés, indépendants, Outre mer et territoires  (Liot) avait annoncé dès le 31 mai, le dépôt d’un amendement de rétablissement de l’article 1er.

L’irrecevabilité des amendements d’abrogation actée

Le verdict était presque inéluctable. Cet amendement ne sera jamais débattu dans l’hémicycle. Sans surprise, brandissant l’article 40 de la constitution, qui lui permet de bloquer les amendements qui créent ou aggravent une charge publique, la présidente de l’Assemblée nationale interrogée mercredi sur BFMTV/RMC, n ’a laissé aucun suspense quant à l’issue future du texte Liot. “Demain, quoi qu’il se passe, il n’y aura pas d’abrogation de la réforme des retraites“, a certifié la présidente du Palais Bourbon au micro de la journaliste Apolline de Malherbe. “Les autres amendements seront examinés“, a t-elle ajouté.

Le texte qui sera examiné sera tel qu’il est issu de la commission des affaires sociales“ a expliqué Yaël Braun-Pivet, ajoutant que les amendements d’abrogation ajoutés par les députés entre les débats en commission et ceux qui auront lieu dans l’hémicycle ce jeudi, “seront déclarés irrecevables dans la journée“.

Selon les informations du Figaro, le groupe Liot devrait maintenir sa proposition de loi malgré le prononcé de l’irrecevabilité des amendements d’abrogation de la retraite à 64 ans. Mais le texte sera ensuite sera probablement retiré en cours de discussion par son rapporteur Charles de Courson. “Il ne s’agit pas de passer toute notre niche sur un texte vidé de sa substance. On passera vite à autre chose“, confie-t-on dans l’entourage du président du groupe, Bertrand Pancher.

“Un nouveau déni de démocratie“

Le rapporteur de la proposition de loi Charles Amédée de Courson ne se faisait d’ailleurs guère d’illusions sur le sort qui serait réservé à son amendement, et avait dénoncé par avance le précédent que Yael Braun-Pivet créerait si elle devait “déclarer irrecevable un article qui avait été déclaré recevable par le bureau de l’Assemblée nationale“. “Toute décision contraire serait un nouveau déni de démocratie et contournement inacceptable“, avait indiqué le groupe dans un communiqué.

La décision de la présidente de l’Assemblée nationale a été jugée mercredi par LIOT comme un “inquiétant précédent, un nouveau déni de démocratie“ et  “une attaque inédite contre les droits du parlement“ réalisée “sous la pression de l’exécutif “. Dans un nouveau communiqué, le groupe indépendant ajoute que son ambition “reste la même : permettre un vote de l’Assemblée sur la réforme des retraites, seule condition pour apaiser le pays“.

La menace d’une motion de censure

Anticipant la décision de la présidente du Palais Bourbon, Charles de Courson déterminé à maintenir la pression, avait mis en garde le gouvernement le 31 mai dernier : “Une motion de censure finira par passer, et peut-être dans un délai pas si lointain, c’est inéluctable“, avait indiqué le rapporteur du texte. Une menace confirmée ce mercredi matin, où la cheffe de file des députés insoumis, Mathilde Panot, a annoncé le dépôt d’une motion de censure contre le gouvernement, en réaction à l’annonce de la présidente de l’Assemblée de faire barrage à l’examen de cette mesure. Interrogée par des journalistes présents à l’Assemblée, la députée insoumise du Val-de-Marne a dénoncé “des précédents extrêmement dangereux pour [la] démocratie“ et un “coup de force.“

La France insoumise est également bien décidé à “saisir le Conseil d’État“ pour trancher la constitutionnalité de la manœuvre. Si la haute juridiction se juge “incompétente“ sur le sujet, le mouvement saisira “la Cour européenne des droits de l’homme“, a prévenu Manuel Bompard.
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