Le gouvernement va dévoiler ce mardi son projet de réforme des retraites. Quels sont les derniers arbitrages connus ? Quels revirement par rapport au projet initial ? Quel soutien l’exécutif peut-il espérer de la droite ? Qu’attendre des syndicats ? Le point à la veille d’une semaine cruciale.
64 ans, c’est l’âge auquel les français pourraient partir à la retraite. C’est en tout cas l’option qui est semble t-il envisagée par le gouvernement. Qu’en est-il de la durée de cotisation ? De la prise en compte du facteur de pénibilité ? Autant de questions sur la réforme des retraites que l’exécutif s’apprête à dévoiler ce mardi 10 janvier. Alors qu’une semaine décisive s’ouvre, une chose est sure : pour les syndicats, cette réforme “contestée et impopulaire“ fera descendre les français dans la rue.
Les principaux arbitrages connus
Un report de l’âge légal à 64 ans
C’est l’option qui semble t-il tient la corde depuis quelques jours. Contrairement aux annonces faites pendant la campagne présidentielle, la piste d’un report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans, et non plus à 65 ans, serait très largement envisagée. Une option évoquée à mots couverts le 3 janvier dernier par Élisabeth Borne qui avait précisé que le report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans “n’est pas un totem “: “Je le redis, il y a d’autres solutions qui peuvent permettre aussi d’atteindre notre objectif d’équilibre de notre système de retraite à l’horizon 2030.“
Une durée de cotisation inchangée
Cette inflexion devrait s’étendre également à la durée de cotisation requise pour bénéficier d’une retraite à taux plein, qui n’augmentera pas au-delà des 43 annuités fixées par la réforme Touraine. “Je le dis clairement : nous n’irons pas au-delà des 43 ans de cotisations prévus dans la réforme Touraine pour avoir une retraite à taux plein“. “L’âge d’annulation de la décote ne bougera pas. Il restera à 67 ans“, avait là encore affirmé le 3 janvier, Élisabeth Borne.
Mais ce recul de l’âge de départ serait associé à une accélération de la durée de cotisation qui passerait à 43 ans avant l’horizon 2035 fixé par la réforme Touraine de 2014. Le report se ferait alors au rythme de trois mois par génération, au lieu de quatre mois dans le projet initial, pour arriver à un départ à la retraite à 64 ans pour les personnes nées à partir de 1968. Les premiers salariés concernés seraient ceux nés au second semestre 1961 (qui auront donc 62 ans en 2023) qui devraient partir à la retraite trois mois plus tard que prévu.
Une retraite minimale à 1200 euros
Le projet du gouvernement prévoit l’instauration d’un montant minimum de pension pour les retraités avec une carrière complète. Ce seuil est fixé à 85% du Smic, soit environ 1200 euros nets. Cette disposition devrait concerner uniquement les futurs retraités, bien qu’Élisabeth Borne se soit dite ouverte le 3 janvier sur Franceinfo à un débat au Parlement sur l’élargissement de cette mesure aux retraités actuels. Selon les informations de TF1/LCI, le groupe Renaissance (majorité présidentielle) demande que cette hausse de la retraite minimum pour carrière complète se fasse dès cet été pour les actuels retraités.
La prise en compte des carrières longues et de la pénibilité
Le gouvernement promet également de prendre en compte, dans son projet, les carrières longues. Aujourd’hui, un système spécial permet à ceux qui ont commencé à travailler tôt et cotisé longtemps de partir plus tôt que l’âge légal, entre 58 et 60 ans. “Le principe sera maintenu et même assoupli pour ceux qui ont vraiment commencé à travailler très tôt“, a assuré Élisabeth Borne au Parisien début décembre.
S’agissant de la pénibilité de certains métiers, le gouvernement a déclaré vouloir mieux la prendre en compte dans sa future réforme, mais ce point demeure encore flou. Quelques pistes ont toutefois été avancées par la Première ministre, comme la possibilité de “permettre de nouvelles utilisations du compte pénibilité, par exemple pour un congé de reconversion“, spécifique aux bénéficiaires du compte professionnel de prévention (C2P). Le gouvernement réfléchit aussi à la création d’un “fonds de prévention de l’usure professionnelle“ pour les métiers identifiés comme pénibles.
Des concessions aux Républicains ?
Sans majorité absolue, le gouvernement compte sur le soutien du groupe Les Républicains (LR) à l’Assemblée, qui détient la clé de l’adoption du projet de loi de réforme des retraites. Le chef de file de la droite, Éric Ciotti, annonce être prêt à voter le texte du gouvernement, par souci “de cohérence et de responsabilité“. “La situation budgétaire, démographique et économique impose cette réforme“ et “je souhaite donc pouvoir voter une réforme juste qui sauve notre système de retraite par répartition“, déclare t-il dans un entretien au Journal du dimanche (JDD) publié ce 8 janvier. Une décision saluée ce dimanche par le ministre des Comptes Publics, Gabriel Attal, qui souligne : “Il n’y a pas eu de deal“.
INTERVIEW – Pour Éric Ciotti (@ECiotti), président des Républicains, «la situation économique impose cette réforme des retraites».
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— Le JDD (@leJDD) January 8, 2023
Le président du parti de droite déclare toutefois d’avoir demandé à la Première ministre, d’“atténuer la brutalité de la réforme“. Celle-ci doit, selon lui, “s’étaler sur deux quinquennats“, avec un relèvement de l’âge légal de départ à 63 ans en 2027 puis à 64 ans en 2032. C’est ce que pourrait annoncer, mardi Madame Borne. Le minimum retraite à 1 200 euros programmé par l’exécutif devra s’appliquer aux nouveaux entrants et aussi “de façon rétroactive aux retraités actuels qui bénéficient des pensions les plus modestes“, ce qui “sera une des conditions de notre vote“, prévient le dirigeant du parti de droite dans le JDD.
Les syndicats vent debout
Mais du côté des syndicats, on ne l’entend pas de cette oreille. “S’il y a un report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ou 65 ans, la CFDT se mobilisera pour contester cette réforme“, a annoncé Laurent Berger à l’issue de sa rencontre avec la Première ministre, estimant dans un entretien au Parisien, que le paramètre de l’âge “est le plus injuste et le plus anti-redistributif“. Même son de cloche du côté de Force Ouvrière (FO). “Si Emmanuel Macron veut en faire sa mère des réformes […], pour nous ce sera la mère des batailles“, a d’ores et déjà prévenu le patron de FO Frédéric Souillot.
Opposée à tout projet de réforme qui ne conduirait pas à ramener l’âge de départ à 60 ans – contre 62 aujourd’hui -, la CGT est quant à elle plus remontée que jamais. “C’est très simple, le gouvernement doit abandonner l’idée de régler les questions de financement en faisant davantage travailler les salariés, alors que pendant ce temps ils accordent aux entreprises des exonérations de cotisations qui vident les caisses de la Sécu. S’il y a réforme, on mobilise, et en plus on n’aura pas de mal“, assure Céline Verzeletti, secrétaire confédérale CGT.
Les principaux syndicats ont prévu de se retrouver mardi en fin de journée pour décider de la réponse à apporter au gouvernement et probablement fixer une journée de mobilisation. La CGT prévoit déjà une journée d’action le jeudi 12 janvier. De son côté, la France Insoumise mobilisera ses troupes le 21 janvier contre la réforme des retraites. “Le front syndical et politique sera totalement uni dans cette bataille“, assure le coordinateur de LFI Manuel Bompard.
“Les 8 syndicats tous contre la réforme des retraites, “c’est suffisamment rare pour que cela suscite l’intérêt du gouvernement et du président. […] Je pense qu’il y a tous les ingrédients pour qu’il y ait de fortes mobilisations“, a indiqué pour sa part le patron de la CGT, Philippe Martinez.