Séparatismes : le projet de loi arrive à l’Assemblée

Quelque 2600 amendements pour un texte clivant, annoncé comme l’un des derniers textes majeurs du quinquennat Macron. Le projet de loi sur les séparatismes arrive aujourd’hui à l’Assemblée. Haine en ligne, instruction en famille, réforme du financement des cultes ou encore polygamie et mariages forcés. Revue de détail des mesures.

C’est un texte qui se veut un marqueur et un tournant régalien du quinquennat Macron. Aussi sulfureux que clivant, le projet de loi contre les séparatismes, rebaptisé, “projet de loi confortant le respect des principes de la République arrive aujourd’hui dans l’hémicycle. Après un prologue d’une cinquantaine d’heures d’auditions, puis autant pour le passage en revue des mesures en commission spéciale, les députés vont débattre de ses mesures à partir de ce lundi et pendant deux semaines. Ce sont quelque 70 articles qui doivent être examinés dans un “temps législatif programmé“ de 40 heures  et 2.650 amendements déposés.

Examiné en première lecture, ce texte ce texte vise principalement à lutter contre l’islam radical en réprimant les incitations à la haine et en renforçant les obligations imposées au culte musulman. Après une semaine de débats denses, les députés ont donné un premier feu vert au texte en commission, samedi 23 janvier.

Les principales dispositions

Instruction obligatoire à l’école

L’article 21 du projet de loi sur l’instruction en famille (IEF) sera à n’en pas douter la mesure la plus débattue du texte, avec près de 400 amendements déposés, et de vives oppositions à droite. Il prévoit l’instruction à l’école pour tous dès l’âge de 3 ans. Des dérogations très limitées sont prévues pour raison de santé, handicap, pratique artistique ou sportive et enfin « pour des situations particulières, sous réserve que les personnes en charge de l’enfant puissent justifier de leur capacité à assurer l’instruction dans le respect des intérêts de l’enfant ». Parmi les mesures relatives à l’éducation figure également le renforcement de l’encadrement des écoles hors contrat, avec un « régime de fermeture administrative » en cas de dérives, sous le contrôle du juge administratif.

Principe de neutralité du service public

Les agents de droit privé chargés d’une mission de service public seront soumis au principe de neutralité au même titre que les agents de droit public, alors que la jurisprudence prévalait jusqu’ici.  Une procédure dite de “carence républicaine“ permettra par ailleurs au préfet, sous le contrôle du juge administratif, de suspendre les décisions ou actions d’une collectivité qui méconnaîtrait la neutralité du service public.

Haine en ligne

Deux nouveaux délits verront le jour pour combattre les appels à la haine en ligne, notamment sur les réseaux sociaux. D’abord, un délit de « mise en danger de la vie d’autrui par divulgation d’informations relatives à sa vie privée », “aux fins de l’exposer, elle ou les membres de sa famille, à un risque direct d’atteinte à la personne ou aux biens que l’auteur ne pouvait ignorer“. Il sera puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et  de 45.000 euros d’amende. Le second délit vise à protéger les agents publics, avec une peine relevée à cinq ans de prison et 75.000 euros d’amende lorsque la personne visée est dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public. Une peine complémentaire d’interdiction du territoire national pendant dix ans sera prévue.

Culte : un encadrement des associations

Afin de “garantir la transparence des conditions de l’exercice du culte“, le projet de loi revoit en profondeur les mécanismes de financement des associations. L’objectif étant de prévenir d’éventuelles dérives sectaires, ou islamistes. Le texte prévoit d’abord de conditionner les subventions publiques à une association, à un contrat d’engagement républicain. Toute demande de subvention fera ainsi “l’objet d’un engagement de l’association à respecter les principes et valeurs de la République“. Les associations cultuelles, généralement fondées sur le régime de la loi de 1901, seront incitées à se constituer désormais sur celui de la loi de 1905, plus exigeant sur le plan de la transparence financière. Avec, en contrepartie, des incitations fiscales.

Les dons en provenance de l’étranger dépassant 10.000 euros seront par ailleurs soumis à un régime déclaratif de ressources, et les associations bénéficiaires devront faire l’objet d’une certification par un commissaire aux comptes. S’ajoutent à ces mesures, une disposition “anti-putsch“, destinée à empêcher la prise de contrôle d’une mosquée par des extrémistes, ainsi qu’une “interdiction de paraître“ dans les lieux de culte pouvant être prononcée par un juge. Le projet de loi prévoit enfin d’élargir les motifs de dissolution d’une association en Conseil des ministres et de suspendre ses activités à titre conservatoire, pour une durée de trois mois.

Mariage forcé, polygamie, certificats de virginité

Le gouvernement souhaite également lutter contre les mariages forcés, « déjà interdits en France », mais qui se perpétuent selon les ONG. « Avec cette loi, nous renforçons le rôle des associations et des ONG qui pourront alerter les officiers d’état civil lorsqu’elles ont connaissance de mariages forcés sur le point de se contracter », a précisé la ministre déléguée en charge de la Citoyenneté, Marlène Schiappa. Ainsi, un officier d’état civil pourra procéder « à un entretien individuel avec les deux futurs potentiels mariés pour s’assurer de leur consentement », et aura l’obligation de saisir le procureur de la République s’il conserve des doutes.

Bien que déjà interdite par la loi française, la polygamie est également dans le viseur de l’exécutif. Le texte pose comme principe, l’interdiction de délivrer un quelconque titre de séjour aux étrangers vivant en France en état de polygamie. « Nous ne donnerons pas de titre de séjour à des personnes qui sont polygames, et si la situation de la polygamie est découverte lors d’un contrôle une fois que la personne est déjà avec un titre de séjour, ce titre de séjour lui sera retiré », a assuré Marlène Schiappa.

Le projet de loi interdit enfin à tous les professionnels de santé d’établir des certificats de virginité, avec une peine de prison pouvant aller jusqu’à un an de prison et 15.000 euros d’amende. Les députés ont également introduit la pénalisation de toute forme de pression, venant souvent de l’entourage.

Les oppositions réécrivent le texte

Dans les rangs du groupe majoritaire, l’heure est à un optimisme prudent avant l’examen prévu pour durer deux semaines. “Cela va reposer sur des individualités qui peuvent vouloir théâtraliser ou hystériser les débats“, pronostique un parlementaire membre de la commission spéciale. En ligne de mire, les élus de La France Insoumise (LFI) et Jean-Luc Mélenchon, opposés à un texte accusé de “stigmatiser les musulmans“. Mais la bronca vient surtout des oppositions de droite, bien décidées à ne pas laisser le champ libre au gouvernement sur un sujet qui sera au cœur de la campagne présidentielle de 2022.

Pour le patron des députés LR Damien Abad, le projet de loi est ainsi très insuffisant, faisant l’impasse sur la “question migratoire, la radicalisation dans nos prisons ou dans nos entreprises privées“. Les Républicains  dévoileront ce mardi un contre-projet.  Marine Le Pen a déjà présenté le sien vendredi 29 janvier, dans une proposition de loi pour bannir les “idéologies islamistes“ et interdire dans tout l’espace public le port du voile.

 

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